Les prix Ig Nobel 2023 ont été décernés lors de la 33e cérémonie annuelle du prix Ig Nobel, le jeudi 14 septembre 2023. Je vous ai déjà parlé de cette parodie du prix Nobel destinée à récompenser les recherches scientifiques qui paraissent superflues, voire totalement inutiles, mais qui peuvent, pour certaines, conduire à une réflexion plus approfondie.

Le côté loufoque de la science à l’honneur avec tous les lauréats des prix Ig Nobel 2023

Voici la liste des lauréats qui ont été récompensés par un chèque d’un milliard de dollars zimbabwéens, monnaie victime d’une hyperinflation.

PRIX DE CHIMIE ET DE GÉOLOGIE [PALE, ROYAUME-UNI]

Jan Zalasiewicz, pour avoir expliqué pourquoi de nombreux scientifiques aiment lécher les roches.

Certains géologues ou paléontologues ont en effet une habitude particulière : lécher les roches. Ces chercheurs vous diront que c’est un très bon moyen de tester si une roche est une roche ou un morceau d’os fossilisé (ce dernier aura alors tendance à coller à la langue). D’autres n’hésitent pas non plus à broyer certaines roches entre leurs dents pour déterminer la taille des grains, et donc savoir si la roche contient de l’argile ou du limon. Selon Zalasiewicz, ce « goût pour la stratigraphie » pourrait remonter à un ingénieur minier, arpenteur et minéralogiste autoproclamé du XVIIIe siècle nommé Giovanni Arduino.

PRIX DE LITTÉRATURE [FRANCE, ROYAUME-UNI, MALAISIE, FINLANDE]

Chris Moulin, Nicole Bell, Merita Turunen, Arina Baharin et Akira O’Connor pour avoir étudié les sensations que ressentent les gens lorsqu’ils répètent un seul mot beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de fois.

Avec la conclusion que cette répétition rendait singulier quelque chose de familier, et permettait d’atteindre ainsi un état de « jamais vu », et non pas de « déjà vu ».

PRIX DU GÉNIE MÉCANIQUE [INDE, CHINE, MALAISIE, ÉTATS-UNIS]

Te Faye Yap, Zhen Liu, Anoop Rajappan, Trevor Shimokusu et Daniel Preston, pour avoir utilisé les araignées mortes comme outils de préhension mécanique.

Vous l’avez probablement remarqué : les araignées mortes ont tendance à recroqueviller leurs pattes. Or, il semblerait que ce corps sans vie puisse avoir des applications utiles en robotique. Des scientifiques de l’Université Rice ont en effet exploité ce mécanisme de locomotion inhabituel chez les araignées-loups pour créer des sortes de pinces mécaniques.

Ces arachnides pouvaient ainsi soulever de manière fiable des objets pesant plus de 1,3 fois leur poids corporel tout en exerçant une force de préhension maximale de 0,35 millinewton. Ces pinces pouvaient également tenir jusqu’à 1 000 cycles d’ouverture/fermeture avant que l’usure des articulations ne provoque la rupture du corps.

PRIX DE LA SANTÉ PUBLIQUE [CORÉE DU SUD, États-Unis]

Seung-min Park, pour avoir inventé la Stanford Toilet, un dispositif qui utilise une variété de technologies – y compris une bandelette de test de test d’analyse d’urine, un système de vision par ordinateur pour l’analyse de la défécation, un capteur d’empreinte anale associé à une caméra d’identification et une liaison de télécommunication – pour surveiller et analyser rapidement les substances que les humains excrètent.

Pendant la crise du Covid, beaucoup ont exprimé de la douleur et de l’inconfort lors des tests impliquant un écouvillon nasal. Dans le but de remédier à cela, Park Seung-min, instructeur au département d’urologie de la faculté de médecine de l’université de Stanford, a inventé des toilettes capables d’analyser des échantillons d’urine et de selles pour générer des rapports de santé personnalisés.

PRIX DE LA COMMUNICATION [ARGENTINE, ESPAGNE, COLOMBIE, CHILI, CHINE, ÉTATS-UNIS]

María José Torres-Prioris, Diana López-Barroso, Estela Càmara, Sol Fittipaldi, Lucas Sedeño, Agustín Ibáñez, Marcelo Berthier et Adolfo García, pour avoir étudié les activités mentales des personnes qui sont capables de parler rapidement à l’envers (en verlan). Cette étude réalisée par des chercheurs d’Argentine, d’Espagne, de Colombie, du Chili, de Chine et des États-Unis, révèle de nouvelles compréhensions des séquences phonémiques et des possibilités des langage. Les récipiendaires ont accepté leur prix en verlan.

L’économiste Esther Duflo, lauréate du (vrai) Nobel d’économie, a suggéré que les chercheurs se penchent sur cette pratique très répandue en France.

PRIX DE LA MÉDECINE [ÉTATS-UNIS, CANADA, MACÉDOINE, IRAN, VIETNAM]

Christine Pham, Bobak Hedayati, Kiana Hashemi, Ella Csuka, Tiana Mamaghani, Margit Juhasz, Jamie Wikenheiser et Natasha Mesinkovska, pour avoir utilisé des cadavres pour explorer s’il y a un nombre égal de poils dans chacune des deux narines d’une personne.

Initialement, cette étude a été déclenchée par intérêt pour la pelade (alopécie areata). Il s’agit d’une affection dermatologique caractérisée par la perte soudaine et inattendue de cheveux, généralement sur le cuir chevelu, mais elle peut également affecter d’autres parties du corps, y compris les cils, les sourcils et les poils du nez.

En ce qui concerne le manque de poils dans les narines, les chercheurs ont noté que de nombreuses personnes souffrant de cette maladie sont plus sujettes aux infections des voies respiratoires supérieures, aux allergies et à la sécheresse. Ils se sont alors aperçus que personne n’avait encore pris le temps de compter le nombre moyen de poils du nez chez l’Homme. Il s’agit pourtant d’une information importance pour évaluer in fine les effets que leur absence pourrait avoir sur la qualité de vie des patients. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé une vingtaine de cadavres. Résultat : le nombre moyen de poils du nez par narine se situe entre 120 et 122.

PRIX DE LA NUTRITION [JAPON]

Homei Miyashita et Hiromi Nakamura, pour des expériences visant à déterminer comment les baguettes et les pailles électrifiées peuvent changer le goût de la nourriture.

« Cela permet d’augmenter le caractère salé de la nourriture », a déclaré Homei Miyashita lors de la cérémonie de remise des prix.

PRIX DE L’ÉDUCATION [HONG KONG, CHINE, CANADA, ROYAUME-UNI, PAYS-BAS, IRLANDE, ÉTATS-UNIS, JAPON]

Katy Tam, Cyanea Poon, Victoria Hui, Wijnand van Tilburg, Christy Wong, Vivian Kwong, Gigi Yuen et Christian Chan, pour avoir étudié méthodiquement l’ennui des enseignants et des élèves.

Les enseignants auront prêté une attention particulière au prix d’Education attribué à des chercheurs étudiant l’effet qu’ils peuvent avoir sur leurs étudiants s’ils ont l’air de s’ennuyer.

« Nous avons découvert que si les étudiants pensaient que leurs profs s’ennuyaient en donnant leurs cours, alors ils s’ennuyaient encore plus », a annoncé sur un ton fatigué le lauréat Christian Chan.

PRIX DE PSYCHOLOGIE [USA]

Stanley Milgram, Leonard Bickman et Lawrence Berkowitz pour des expériences dans une rue de la ville pour voir combien de passants s’arrêtent pour regarder vers le haut lorsqu’ils voient d’autres personnes regarder vers le haut.

Stanley Milgram est un psychologue renommé principalement connu pour ses célèbres expériences sur l’obéissance à l’autorité. En 1969, il avait cependant également dirigé une étude moins controversée sur la formation des foules et examiné le pouvoir d’attraction de foules de différentes tailles. Milgram avait utilisé un tronçon de trottoir très fréquenté de New York comme laboratoire.

Lorsqu’un signal était donné depuis la fenêtre du sixième étage d’un immeuble de l’autre côté de la rue, une foule « de relance » (composée de 1, 2, 3, 4, 5, 10 ou 15 personnes) entrait dans la zone d’observation, s’arrêtait, regardait par la fenêtre pendant une minute, puis se dispersait. L’expérience avait été répétée plusieurs fois et filmée. Le but était de déterminer combien des piétons passant par là modifiaient leur comportement en réponse, soit en s’arrêtant et en levant les yeux, soit en levant les yeux sans interrompre leur pas.

Si une seule personne levait les yeux, seulement 4% des passants s’arrêtaient pour lever également les yeux. En revanche, 40% de ces passants s’arrêtaient lorsque la foule de relance comptait quinze personnes. Il en était de même pour les passants qui levaient les yeux sans s’arrêter. 42 % levaient le regard si la foule de relance ne contenait qu’une personne contre 86 % lorsqu’il y avait quinze personnes dans la foule.

Ces résultats étaient alors contraires à un modèle existant supposant que le nombre de personnes disponibles pour rejoindre un groupe (les piétons dans ce cas) est le facteur critique, et non la taille de la foule de stimulation. En réalité, Il est ressorti de ces analyses que la taille de la foule de stimulus était un facteur clé.

PRIX DE LA PHYSIQUE [ESPAGNE, GALICE, SUISSE, FRANCE, ROYAUME-UNI]

Bieito Fernández Castro, Marian Peña, Enrique Nogueira, Miguel Gilcoto, Esperanza Broullón, Antonio Comesaña, Damien Bouffard, Alberto C. Naveira Garabato, et Beatriz Mouriño-Carballido, pour avoir mesuré la mesure dans laquelle le mélange océan-eau est affecté par l’activité sexuelle des anchois.

« Je crois qu’il y a un consensus sur le fait que ça n’a pas d’importance », a regretté Bieito Fernandez Castro, l’un des lauréats. Parmi les chercheurs de l’équipe, un Français.


Pour en savoir plus, voici un compte-rendu assez exhaustif des études récompensées.

Et pour suivre la cérémonie de remise des prix :

Catégories : Gratin de la bêtisesciences

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