Au début de l’année, je vous ai parlé du prix Ig Nobel, parodie du prix Nobel destiné à récompenser les recherches scientifiques qui paraissent superflues, voire totalement inutiles, mais qui peuvent, pour certaines, conduire à une réflexion plus approfondie. On peut prononcer ignobeul, le jeu de mot entre Nobel et ignoble ne vous aura pas échappé.

Les prix Ig Nobel 2020 ont été décernés lors de la 30e cérémonie annuelle qui s’est déroulée le jeudi 17 septembre 2020 au Sanders Theater de l’université d’Harvard. En raison de la crise sanitaire, la cérémonie a été organisée en ligne et diffusée sur le web. Voici la liste des lauréats.

  • Le prix de l’acoustique est attribué à Stephan Reber, Takeshi Nishimura, Judith Janisch, Mark Robertson et Tecumseh Fitch, pour avoir incité une femelle alligator chinoise à vagir dans une chambre étanche remplie d’air enrichi d’hélium et étudié la fréquence de ses vocalises (le crocodile vagit, j’imagine qu’il en est de même pour l’alligator).
  • Le prix de la psychologie va à Miranda Giacomin et Nicholas Rule, pour avoir mis au point une méthode permettant d’identifier les narcissiques par l’examen de la forme de leurs sourcils.
  • Le prix de la paix récompense les gouvernements de l’Inde et du Pakistan pour leurs taquineries réciproques, comme celle qui consiste à envoyer leurs diplomates sonner subrepticement à la porte de leurs collègues de l’autre camp au beau milieu de la nuit, puis s’enfuir avant que quelqu’un n’ait pu répondre à la porte. Rappelons que l’Inde et le Pakistan, qui se chamaillent en permanence, sont des puissances nucléaires.
  • Le prix de physique loue les travaux de Ivan Maksymov et Andriy Pototsky, pour avoir déterminé, de manière expérimentale, ce qui arrive à la forme d’un ver de terre vivant lorsque l’on le fait vibrer à haute fréquence.
  • Le prix d’économie est attribué à Christopher Watkins, Juan David Leongómez, Jeanne Bovet, Agnieszka Żelaźniewicz, Max Korbmacher, Marco Antônio Corrêa Varella, Ana Maria Fernandez, Danielle Wagstaff et Samuela Bolgan, pour avoir tenté de quantifier la relation entre les inégalités socio-économiques des différents pays et la fréquence moyenne de baisers sur la bouche (il fallait au moins une française dans la liste pour assurer les conseils techniques).
  • Le prix du management est allé à cinq tueurs à gages professionnels du Guangxi, en Chine, qui ont géré un contrat de meurtre de la manière suivante : après avoir accepté le paiement pour exécuter le contrat, Xi Guang-An a ensuite sous-traité la tâche à Mo Tian-Xiang, qui a ensuite sous-traité la tâche à Yang Kang-Sheng, qui a ensuite sous-traité la tâche à Yang Guang-Sheng, qui a ensuite sous-traité la tâche à Ling Xian-Si, chaque tueur à gages recruté par la suite recevant un pourcentage moindre de la rémunération. Au final, personne n’a réellement commis le meurtre.
  • Le prix d’entomologie récompense les travaux de Richard Vetter pour avoir recueilli des preuves que de nombreux entomologistes (scientifiques qui étudient les insectes) ont peur des araignées, qui ne sont pas des insectes.
  • Le prix de médecine est adjugé à Nienke Vulink, Damiaan Denys, et Arnoud van Loon, pour avoir diagnostiqué une maladie longtemps méconnue : la misophonie, le stress engendré par le fait d’entendre d’autres personnes faire des bruits de mastication tout près de soi.
  • Le prix de l’enseignement médical, nouveauté en cette année de pandémie, est attribué à Jair Bolsonaro du Brésil, Boris Johnson du Royaume-Uni, Narendra Modi de l’Inde, Andrés Manuel López Obrador du Mexique, Alexander Lukashenko du Belarus, Donald Trump des États-Unis, Recep Tayyip Erdogan de Turquie, Vladimir Poutine de Russie et Gurbanguly Berdimuhamedow du Turkménistan, pour avoir utilisé la pandémie virale Covid-19 afin d’enseigner au monde que les hommes politiques peuvent avoir un effet plus immédiat sur la vie et la mort que les scientifiques et les médecins.

Il s’agit du deuxième prix Nobel Ig décerné à Alexandre Loukachenko. En 2013, le prix Ig Nobel de la paix a été attribué conjointement à Alexandre Loukachenko, pour avoir rendu illégal le fait d’applaudir en public, et à la police d’État biélorusse, pour avoir arrêté un manchot pour avoir applaudi.

  • Enfin, le prix de la science des matériaux consacre les études de Metin Eren, Michelle Bebber, James Norris, Alyssa Perrone, Ashley Rutkoski, Michael Wilson et Mary Ann Raghanti, pour avoir montré que les couteaux fabriqués à partir d’excréments humains congelés ne fonctionnent pas. En fait, ils ont voulu vérifier l’histoire de cet Inuit censé avoir démembré un chien avec un couteau fabriqué à partir de ses propres excréments gelés.

Si vous aimez l’humour un peu … potache des universitaires et chercheurs qui ont participé à cette cérémonie sous la direction du maître d’œuvre Marc Abrahams, vous pouvez la suivre ci-dessous !


À noter que chaque lauréat se voit doté d’un chèque d’un milliard de dollars zimbabwéens, monnaie qui a été victime d’une hyperinflation. En janvier 2009, des billets de cent mille milliards de dollars zimbabwéens ont été mis en circulation.

Vous pouvez tout connaître de la recherche improbable en consultant le site web Improbable Research.


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