La genèse du livre est une longue et passionnante histoire qui nous mène de la naissance de l’écriture aux moines copistes du Moyen Âge et de l’invention de l’imprimerie aux supports numériques de notre époque 2.0.
Après les supports en dur – tablettes de cire, bois, pierre – ce fut au tour des papyrus et des rouleaux – volumen – d’enregistrer la mémoire écrite des hommes. Dès les premiers siècles de notre ère, le codex, ensemble de feuillets pliés en deux et reliés entre eux, prit une place de plus en plus prédominante. Le papyrus disparut au profit du parchemin puis du papier. Les bibliothèques numériques, comme Gallica, mettent en ligne une multitude de ces premiers livres qui sont, pour certains, de vraies merveilles.
Il existe un format particulier de livres, que l’on rencontre à la fin du Moyen Âge, destinés sans doute à être emportés en voyage plus facilement que les codex lourds et encombrants. Il s’agit des bat books, néologisme signifiant livres chauve-souris et inventé par le codicologue néerlandais Johan Peter Gumbert.
Ces livres sont composés de feuilles pliées, disposant chacune d’un onglet. Elles sont assemblées en cousant les onglets entre eux et une couverture en cuir peut envelopper le tout avec un anneau ou une boucle destinée à accrocher le livre à la ceinture.
Pour quoi ce nom de bat books ? Gumbert pensait que ces livres ressemblaient à des chauves-souris qui reposent la tête en bas et déploient leurs ailes avant de s’envoler. Bon ! Au Moyen Âge, d’autres termes étaient utilisés comme livre en forme de crécelle de pestiférés ou en forme de cliquette de ladre. La cliquette me semble plus ressemblante. On trouve aussi parfois la dénomination de livres plicatifs.
Bref ! Un soixantaine de ces bat books ont été recensés dans le monde et la BnF en détient trois qui ont été numérisés. Ces trois manuscrits sont des calendriers astronomiques permettant le calcul des heures des nouvelles et pleines lunes pour 76 ans, accompagné de plusieurs tables de comput.
Le comput, ce sont des éléments calendaires qui permettent de définir la date de la Pâque chrétienne qui, comme chacun le sait, est le dimanche qui suit le 14e jour de la Lune qui atteint cet âge le 21 mars ou immédiatement après. L’histoire du calcul de la date de Pâques est une véritable aventure mathématique et astronomique.
Pourquoi 76 ans ? Notre calendrier, julien puis grégorien, est un calendrier solaire s’appuyant sur la durée de la révolution de la Terre autour du Soleil. Cependant, les phases de la lune sont également une référence pour beaucoup d’activités humaines. On l’a vu pour la date de Pâques, mais on peut également citer les heures des marées pour la navigation côtière et toute une série de soit-disantes influences de la lune sur l’agriculture, la médecine, etc. Mais le cycle de la lune et celui de la terre autour du soleil ne collent pas et il faut attendre 19 ans pour que le Soleil, la Terre et la Lune se retrouvent dans la même position. C’est le cycle de Méton. De plus, notre calendrier solaire se décale petit à petit par rapport au soleil (6 heures par an) et il faut une année bissextile tous les 4 ans pour recoller les morceaux. 76 est le plus petit commun multiple de 19 et de 4, il faut donc un calendrier de 76 ans pour pouvoir décrire toutes les situations possibles entre les trois astres, en particulier définir toutes les heures des pleines lunes et des nouvelles lunes.
Les calendriers comportent généralement, en plus des 12 feuilles mensuelles, un certain nombre de pages explicatives complémentaires. je serais bien en peine de tout expliquer, je me contente d’admirer le travail d’écriture et la méticulosité des tableaux.
Les images ci-dessus proviennent des trois bat books de la BnF, c’est pour cela que les dimensions et les traces de pliures sont différentes.
Si vous voulez en savoir plus et notamment comprendre le contenu des tables, je vous invite à visionner ci-dessous la vidéo de La BnF dans mon salon réalisée par le conservateur Alexandre Tur, qui m’a fait découvrir ces bijoux du département des manuscrits.
Si l’histoire du livre vous intéresse, la BnF propose une “classe” virtuelle sur le sujet. Quelques liens semblent être obsolètes mais le site reste assez lisible dans l’ensemble.
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