Avec l’exposition La Régence à Paris, le musée Carnavalet d’histoire de Paris nous invite à explorer la période de la Régence qui, entre les règnes de Louis XIV et Louis XV, de 1715 à 1723, conduisit à un renouveau politique et culturel de la France enkystée dans la fin de règne du premier.
En effet, le 1er septembre 1715, Louis XIV meurt, au terme d’un très très long règne. Drame des dernières années de sa vie, tous ses héritiers sont morts avant lui, sauf son arrière-petit-fils, le duc d’Anjou, futur Louis XV, un enfant âgé de cinq ans. Passant outre le testament de feu le roi, le parlement confie le pouvoir à son neveu, Philippe d’Orléans (que le vieux roi Louis ne pouvait voir en peinture, le trouvant trop libertin), jusqu’à la majorité du nouveau roi, fixée à treize ans. C’est la Régence.
Cette période a longtemps été vue comme un moment de rupture radicale, illustré par une politique de réformes novatrices et le retour de la paix aux frontières. Aujourd’hui, les historiens la considèrent toujours comme une période d’ouverture politique et de changements importants, mais aussi comme une transition conservatrice qui vise à maintenir la monarchie absolue.
Le premier changement important est le retour du roi, du gouvernement et de la cour à Paris. Souhaité par Louis XIV, mais pour une durée brève, ce déplacement durera en réalité sept ans, car le Régent veut rester à Paris, préférant sans nul doute l’ambiance survoltée du Palais-Royal à celle endormie du Palais de Versailles.
Le deuxième changement est l’incarnation du pouvoir en la personne attachante, impénétrable et parfois scandaleuse de Philippe d’Orléans, très éloignée de celle de Louis XIV : libertin, c’est-à-dire libre penseur, athée, artiste, débonnaire et autoritaire en même temps.
Le troisième changement procède des deux premiers c’est la cohabitation retrouvée du pouvoir politique et du pouvoir culturel à Paris. Dans une effervescence enjouée mais rythmée de scandales, de conspirations et de banqueroutes, Montesquieu, Voltaire et Marivaux connaissent leurs premiers succès, tandis que Watteau invente la nouvelle peinture.
L’exposition nous promène dans ces huit années d’effervescence en nous faisant découvrir successivement les transformations de Paris, le nouvel art de vivre qu’elles engendrent, la renaissance du théâtre et des salons littéraires.
Le nom de Watteau est lié à Paris et à la Régence. Il est le peintre des comédiens italiens, des musiciens et des amours pastorales – en quelque sorte le double de Marivaux. Il accède à la célébrité en 1717, en entrant à l’Académie royale de peinture avec le Pèlerinage à l’île de Cythère.
Mais c’est en 1720, peu avant de mourir, qu’il réalise son chef-d’œuvre le plus parisien, L’Enseigne de Gersaint, visible brièvement sur le pont Notre-Dame.
Le 15 juin 1722, Louis XV décide de retourner a Versailles et quitte Paris, une ville qu’il connaît parfaitement pour l’avoir parcourue souvent pendant sept ans. Le 25 octobre, il est sacré à Reims. L’année suivante, un nouveau lit de Justice vient officialiser sa majorité, le 22 février 1723 : c’est la fin de la Régence. Philippe d’Orléans garde néanmoins le pouvoir avec Guillaume Dubois, devenu Premier ministre. Mais celui-ci meurt le 10 août suivant. Le 3 décembre, l’ancien Régent décède à son tour. La page est définitivement tournée.
Philippe d’Orléans laisse un pays en paix, des finances restaurées et une monarchie consolidée. Il laisse aussi l’image persistante et brouillée d’un libertin, esprit impénétrable et libre jusqu’à l’excès, viscéralement attaché à ses plaisirs, à la peinture, à la musique et à Paris.
Cette exposition, qui ne manque pas d’intérêt, dure jusqu’au 25 février 2024. Certes, elle aborde principalement les puissants et leur entourage, l’ouverture sociale n’étant pas à l’ordre du jour de la Régence même si quelques timides Lumières commençaient à percer. Mais elle souligne aussi que Paris est redevenue en quelques années une place politique et culturelle de premier plan, rôle qu’elle conservera tout au long du 18e siècle.
Pour en savoir plus, on peut consulter le dossier de presse de l’exposition.
En lien avec l’exposition, les visiteurs sont invités à prolonger la découverte de l’histoire de la Régence avec les décors d’époque Régence de la Banque de France, réalisés entre 1713 et 1719. Dans un cadre privilégié, la Galerie dorée ainsi que la salle du Conseil et la salle à manger du Conseil sont exceptionnellement ouvertes à la visite.
La Galerie dorée est abritée au sein même du siège de la Banque de France, dans l’hôtel de Toulouse. Ses dorures, ses tableaux, sa boiserie et son impressionnante fresque datant du 17e siècle font de cette galerie l’une des plus somptueuses de France et la pièce emblématique de l’hôtel de Toulouse.
Après sa construction par François Mansart durant la première moitié du 17e siècle, pour Louis Phélypeaux de La Vrillière, Secrétaire d’État de Louis XIII, l’édifice qui était conçu comme un écrin fastueux fut racheté en 1713 par le comte de Toulouse, fils illégitime de Louis XIV et madame de Montespan. Saisi sous la Révolution, l’hôtel particulier est finalement acquis par la Banque de France en 1808 pour y installer son siège social.
Les occasions de visiter de tels joyaux du patrimoine sont suffisamment rares pour qu’on se réserve immédiatement un créneau et qu’on se précipite à l’hôtel de Toulouse par un samedi matin tempêtueux. Je m’attendais à ce qu’il y ait de l’affluence, mais nous sommes quasiment seuls et les agents de sécurité nous accueillent avec beaucoup de gentillesse, ça change des musées parisiens (au sens large).
Le parcours nous mène d’abord, au premier étage, à la salle du conseil d’administration et à sa salle à manger. Il faut y observer les décors muraux et les objets d’art.
Puis on pénètre dans la Galerie dorée qui a été restaurée il y a quelques années. Le décor est impressionnant, dix tableaux et quatre statues habillent les murs, alors qu’une fresque couvrant tout le plafond nous raconte l’histoire de Louis XIII et d’Anne d’Autriche sous le couvert de divinités mythologiques.
On n’est pas obligé d’aimer le style Régence et ses aspects parfois un peu clinquants, mais il faut reconnaître le magnifique travail de restauration accompli pour redonner tout son lustre à cette galerie. Cette video pourra vous en convaincre.
Il faut réserver un billet (gratuit) sur le site de Paris Musées et, en principe, présenter un billet d’entrée à l’exposition du musée Carnavalet. Ces visites couplées ne se font que les premiers samedis des mois de novembre, décembre, janvier et février, alors ne tardez pas.
0 commentaire