En ces premiers jours d’automne, nous allons vers le Grand Est comme on dit maintenant, vers la Lorraine comme je l’ai appris il y a bien longtemps. Direction Nancy pour deux journées qui ont été ensoleillées quand la météo nous en annonçait au moins une pluvieuse. Nous sommes intéressés par la ville en elle-même et ses différentes facettes historiques mais aussi par son influence sur l’Art nouveau au 19e siècle et les souvenirs architecturaux qu’elle en a conservés. Nous consacrerons bien sûr le temps qu’il faudra à la visite du musée des Beaux-Arts.

Paris est dans la grande banlieue de Nancy, le TGV nous y mène en moins de deux heures et nous sommes à pied d’œuvre dès le début de l’après-midi. Depuis notre hôtel situé près la gare, la rue est en ligne droite jusqu’à notre première et inévitable étape, la place Stanislas bien sûr !

L’espace qui est habituellement dévolu à la minéralité la plus totale, en dehors de la statue de Stan au centre et des terrasses des bars et restaurants en périphérie, est, aujourd’hui et pour le week-end suivant, occupé par un jardin éphémère réalisé par les services de la ville.

Nancy, la place Stanislas et son jardin éphémère

Les habitués sont peut-être déboussolés, certes la perspective sur les bâtiments qui ceinturent la place est moins grandiose, mais toute cette verdure ne me dérange pas.

La place est connue (et même classée Unesco) pour ses deux fontaines et ses grilles qui en bouclent le périmètre entre les bâtiments qui la bordent, hôtel de ville, opéra, hôtel, restaurants, musée (où nous reviendrons bientôt). Sous un ciel bleu azur et baignées de soleil, elles brillent de tous leurs feux.

Nancy, place Stanislas, fontaine d’Amphitrite.

Côté nord de la place, la Porte Héré est un passage menant vers la place de la Carrière face au palais du Gouvernement. Sur la droite, on se dirige vers le parc de la Pépinière, vaste espace vert au cœur de la ville. Un kiosque très Art nouveau retient nos regards.

Nancy, Porte Héré (du nom de l’architecte lorrain qui réalisa l’ensemble monumental autour duquel s’organise la ville de Nancy au 18e siècle)
Nancy, parc de la Pépinière, kiosque à musique, appelé kiosque Mozart, construit en 1875

En sortant du parc, nous rejoignons la Ville Vieille et ses ruelles plus anciennes, située entre les portes Craffe et de la Citadelle au nord et quasiment la place Stanislas au sud. Quartier bien plus chaleureux que l’ensemble classique du 18e, resté assez populaire mais sans doute en pleine boboïsation, bordé de bars et de restos.

Le Palais ducal abritant le musée lorrain est en travaux de rénovation, nous ne pouvons donc le visiter; seule l’église des Cordeliers qui le jouxte est ouverte au public et elle recèle quelques pièces historiques intéressantes.

Il est bien temps maintenant de faire une halte avant de revenir tranquillement vers l’hôtel. C’est au pied de l’église Saint-Epvre que nous trouvons une terrasse accueillante. Sur le chemin du retour, changement de décor avec cette superbe verrière du Crédit Lyonnais rue Saint-Georges, signée Jacques Gruber.

En soirée, de retour du restaurant Au Bistronome rue Saint-Michel où nous avons très bien dîné, nous faisons un détour par la place Stanislas.

Nancy, place Stanislas, porte Héré

Le lendemain, la journée est consacrée en partie à l’Art nouveau, elle commence par un copieux petit déjeuner à la brasserie L’Excelsior située à deux pas de l’hôtel. Décor Art nouveau, salle de restaurant classée, service à table, produits de qualité, prix modique, on aurait tort de céder par facilité au buffet de l’hôtel.

Nancy, petit déjeuner à la brasserie L’Excelsior

Pour digérer, nous faisons un petit périple libellé « street art » qui nous mène jusqu’au quai Sainte-Catherine à l’est du centre ville, le long du canal de la Marne au Rhin qui double la Meurthe. Passage devant la cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation, devant la porte Sainte-Catherine, retour obligé par la place Stanislas. Quelques fresques de street artistes jalonnent le chemin, comme le bas-relief de Bordalo II sur les ours polaires ou celle de Stan’ réalisée par Jeff Aérosol.

De retour au centre, nous prenons le tramway pour rejoindre la première étape de notre périple Art nouveau, le parc de Saurupt situé un peu au sud. À partir d’un fantasme de cité jardin, ce projet de parc privé est confié en 1901 aux architectes Émile André et Henri Gutton (ou était-ce Henry Gutton, son neveu ?). Seules 6 villas ont été construites. Les autres édifices sont bâtis entre 1920-1930 dans un pur style art déco. Je me verrai bien loger dans la petite loge du concierge du parc…

En quittant le parc de Saurupt, nous prenons la direction du parc Sainte-Marie qui se situe en bordure du quartier thermal de Nancy. Celui-ci tire son nom des piscines Nancy Thermal, un complexe aquatique composé d’un centre thermal et d’une résidence hôtelière. Classé monument historique depuis 2020, le site est actuellement en cours de reconstruction et d’extension. Visite donc impossible mais en passant par le parc Sainte-Marie, on peut admirer une maison alsacienne datant de 1804 qui a été remontée ici pour l’exposition universelle de l’est de la France en 1909.

Nancy, parc Sainte-Marie, maison alsacienne datant de 1804

La deuxième étape de notre parcours Art nouveau est le musée de l’École de Nancy, musée consacré à ce mouvement associant des industriels d’art et des artistes décorateurs qui fut le fer de lance de l’Art nouveau en France. L’annexion en 1871 de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne a fait de Nancy la capitale de l’est de la France. L’afflux d’Alsaciens-Mosellans fuyant l’annexion allemande entraîne le développement de l’activité économique et intellectuelle ainsi que la construction de nouveaux quartiers. L’Art nouveau leur sert de ciment culturel.

L’Art nouveau a été souvent décrié et méprisé, par ses contemporains mais également plus tard et jusqu’au début des années 1980 où l’on a progressivement pris conscience de l’importance de sauvegarder ce patrimoine culturel. Ce qui m’intéresse dans l’Art nouveau, c’est la nouveauté des formes, des couleurs, des ornementations inspirées par la nature et la complémentarité entre l’architecture et les arts du décor, mobilier, verrerie, jusqu’aux plus petits détails.

Le musée de l’École de Nancy, consacré au courant artistique de l’Art nouveau nancéien, est aménagé dans l’ancienne propriété d’Eugène Corbin, collectionneur et grand mécène du mouvement, il a été officiellement ouvert au public, sous sa forme actuelle en 1964.

Dans le jardin du musée se trouvent un aquarium, classé monument historique, une porte réalisée pour les usines d’Émile Gallé, industriel, maître verrier, céramiste et ébéniste, ainsi qu’un monument funéraire.

Nancy, musée de l’École de Nancy

Les collections exposées sont formées de salles aménagées dans le style Art nouveau (chambre, salle de bains, bureau, salle à manger), de vitrines consacrées notamment aux œuvres d’Émile Gallé ou de la manufacture Daum, et de dessins d’Henri Bergé. Parmi les artistes exposés, on peut aussi citer Victor ProuvéEugène VallinLouis Majorelle et Jacques Gruber.

Visite rapide

Après nous être restaurés rapidement à une brasserie du « bon coin » (il est 14 heures passées), nous reprenons notre chemin vers la troisième étape, la Villa Majorelle, point d’orgue de cette randonnée culturelle. Nous faisons un détour par la rue Félix-Faure, petite rue bordée de maisons mitoyennes dont un grand nombre ont été construites par le même architecte, César Pain, entre 1907 et 1912. Le respect des règles d’urbanisation donne à l’ensemble une grande homogénéité. Il faut s’arrêter pour découvrir les détails de construction ou de décoration.

Nous arrivons maintenant à notre troisième étape la magnifique Villa Majorelle, récemment restaurée. Construite en 1901-1902 par l’architecte Henri Sauvage pour l’ébéniste et décorateur Louis Majorelle, c’est un fleuron de l’Art nouveau, à Nancy et ailleurs. Nous avons la chance de la voir complètement rénovée, dans un état extraordinaire, car au vu des panneaux d’information racontant son histoire, on se rend compte comme elle a pu être dégradée au fil des ans. Avant de devenir propriété de la Ville de Nancy en 2003, elle a été occupée depuis 1931 (à la mort de Louis Majorelle) par des services des Ponts-et-Chaussées qui la transforment en bureaux et l’adaptent à ce nouvel usage. C’est dire … De plus, le parc où elle se situait a été loti pour construire d’autres logements, elle se retrouve aujourd’hui un peu à l’étroit et il n’y a plus de recul suffisant pour la contempler dans son ensemble.

Mais aujourd’hui, c’est une splendeur et on ne rigole pas pour la visiter : petits chaussons de rigueur !

Nancy, Villa Majorelle
Nancy, Villa Majorelle, petits chaussons, gris pour les garçons, roses pour les filles

Les façades extérieures présentent un jeu de volumes qui reflètent l’organisation intérieure des espaces, on est ébloui par les détails de constructions, gouttières, supports des balcons, portes, fenêtres, cheminées coiffées de céramiques.

L’intérieur rénové est une démonstration frappante de la grande cohérence et de la complémentarité entre l’architecture et tous les éléments du décor, vitraux de Jacques Gruber (rencontré hier au Crédit Lyonnais), grès flammés d’Alexandre Bigot, ferronneries et ébénisterie de Louis Majorelle lui-même. Une bonne partie du mobilier d’origine a pu être récupéré et installé à nouveau dans les quelques pièces que l’on peut visiter (avec les chaussons !).

La visite est somme toute assez rapide car il n’y a pas beaucoup de pièces ouvertes au public. Mais ce qui est visible est splendide. Nous nous posons la question de savoir pourquoi il n’y a pas de cuisine dans cette belle demeure. En fait, l’emplacement des pièces de service est actuellement occupé par l’accueil et les couloirs vers la sortie …

Après un petit tour dans le jardin, nous prenons la direction du centre ville pour regagner notre hôtel. Chemin faisant, il reste la basilique du Sacré-Cœur et quelques immeubles Art nouveau à contempler, notamment le long de la rue de la Commanderie, commanderie qui tient son nom d’un ancien établissement de templiers (sans doute) dont le seul vestige est une vielle tour.

Voila, notre périple Art nouveau s’achève avec notre retour dans la quartier de la gare. La construction de ce nouveau quartier, qui est tout simplement une horreur urbanistique et architecturale, a conduit à la démolition de beaucoup d’immeubles dont l’intérêt patrimonial était sans aucun doute plus élevé que celui des misérables cubes en béton construits à la place. Il reste cependant ici et là, dans le centre ville, bon nombre de souvenirs de cette période.

C’est une journée à 22 000 pas, il nous reste cependant assez d’énergie pour, après une petite pause, aller dîner dans un excellent restaurant, les Pissenlits, d’où je garde un souvenir ému de la pièce de veau de 7 heures aux girolles, spätzele maison.

Demain, nous visiterons le musée des Beaux-Arts avant de retourner vers la capitale. Mais cela fera l’objet d’un prochain article.


1 commentaire

Matatoune · 1 novembre 2021 à 22 h 34 min

Week-end bien dense mais Nancy est une si belle ville !

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