Après Versailles et son château royal, nous voici à Fontevraud et son abbaye tout aussi royale pour une escale (trop) rapide sur la route de Niort. Bien loin du tape-à-l’œil un peu lassant du premier, la beauté épurée du second m’a littéralement enthousiasmé.
Au cœur d’un domaine de treize hectares, l’Abbaye Royale de Fontevraud est la plus vaste cité monastique héritée du Moyen Âge. Au cœur du Val de Loire, entre Saumur et Chinon, elle associe patrimoine, culture et hospitalité.
Si vous ne me croyez pas, voyez donc cette jolie vidéo de promotion.
Au cœur du village de Fontevraud-l’Abbaye, on pénètre dans le site par la Cour du Dehors.
C’est donc une cité monastique datant du tout début du 12e siècle qui, paradoxalement, est parvenue jusqu’à nous parce que sa vocation religieuse a été mise à mal à la Révolution et qu’elle a été transformée en prison par Napoléon en 1804, en même temps que le Mont Saint-Michel et Clairvaux.
Bien qu’inscrite aux monuments historiques dès 1840, l’abbaye a continué dans cette destination pénitentiaire jusqu’en 1963. Progressivement, dès la moitié du 19e siècle et sous la pression de Prosper Mérimée, certains bâtiments ont été désaffectés et restaurés. Après l’arrêt du centre de détention et jusqu’à la fin du 20e siècle, d’importants travaux ont permis de rétablir l’ensemble du domaine dans un état proche de sa vocation initiale, tel qu’on peut l’admirer aujourd’hui. Aucune communauté religieuse n’étant disposée à faire revivre l’abbaye, c’est le Centre Culturel de l’Ouest (CCO), association fondée en 1975 par Olivier Guichard grande figure gaulliste devant l’éternel, qui s’en occupe aujourd’hui : outre l’ouverture des bâtiments au public, on peut aussi y voir des expositions, des concerts. Des artistes y sont accueillis en résidence, le CCO procède également à des achats d’œuvres.
Depuis le mois de mai dernier, l’abbaye héberge également un musée qui présente les 800 œuvres léguées par Martine et Léon Cligman. Un hôtel, un restaurant gastronomique, de la restauration rapide insufflent un petit air d’hospitalité, bien dans l’esprit du lieu (je parle de l’abbaye historique, pas de la prison !).
Dès le douzième siècle, quelques années après sa fondation, l’abbaye devient la nécropole dynastique des Plantagenêts à l’époque où cette noble famille d’Anjou, d’Aquitaine, du Maine, etc. s’essayait aussi au trône d’Angleterre. La plus célèbre figure de cette dynastie est sans conteste Aliénor d’Aquitaine, que j’ose qualifier de sacrée bonne femme parce qu’elle a joué un rôle central dans la diplomatie franco-anglaise du 12e siècle et dans l’essor culturel de cette période. Tour à tour reine de France avec Louis VII puis reine d’Angleterre avec Henri II, elle a enfanté, entre autres, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre qui furent aussi rois d’Angleterre.
L’église abbatiale de Fontevraud abrite quatre gisants des Plantagenêts, celui d’Aliénor, d’Henri II, de Richard Cœur de Lion et d’Isabelle d’Angoulême, épouse de Jean sans Terre.
Aliénor, qui a enterré son époux et son fils, a fait réaliser pour le premier un gisant plus petit que le sien. Il paraît qu’elle l’appréciait peu, elle s’est même mise en situation de lecture pour bien montrer sa supériorité intellectuelle. Si tous ces illustres personnages furent bien enterrés ici, leurs ossements ont été déterrés et mélangés à la Révolution, je ne sais pas s’ils sont encore dans le coin.
Après cette séquence émotion historique, nous pouvons continuer la visite. Une petite exposition Merveilles de terre cuite occupe le chœur de l’église.
Quelques fresques décorent encore les murs de l’église.
Le circuit de visite, bien balisé, nous fait pénétrer ensuite dans le cloître du Grand-Moûtier.
Autour du cloître, nous sommes guidés vers la salle capitulaire, le réfectoire, la salle du trésor et, à l’étage, le grand dortoir.
Le bâtiment le plus curieux est sans conteste celui dit des cuisines romanes. Situé à proximité du réfectoire mais accessible uniquement par l’extérieur, il rassemble à une fusée prête à décoller avec son ogive blanche recouverte d’écailles de pierre et ses boosters latéraux.
Lors de sa restauration au début du 20e siècle, des libertés ont été prises avec l’architecture originale, notamment les petits clochetons ont été rajoutés par l’architecte, suivant l’idée qu’il avait que ce bâtiment était un ensemble de cheminées ou de fumoirs. Avait-il raison ? L’intérieur est tout aussi étonnant, avec ses absidioles ressemblant aux chapelles entourant le chœur d’une église. Chacune abritait peut-être un foyer avec sa propre cheminée …
La suite du parcours nous fait contourner l’ensemble des bâtiments et traverser la chapelle saint-Benoît pour venir admirer le chevet de l’église abbatiale (photo en exergue de l’article). On revient vers l’accueil en contemplant à nouveau l’église et les cuisines sous un autre angle.
En cours de route, une exposition de maquettes “Bâtir Fontevraud” récapitule les multiples étapes de la construction du domaine. Il est particulièrement impressionnant de voir comment l’abbaye était devenue à l’époque du centre de détention et le travail qu’il a fallu accomplir pour lui rendre son aspect “originel”.
Déception à l’accueil, nous avions demandé des billets combinés comprenant la visite du site et celle du musée abritant la collection Cligman mais le musée a été oublié lors de l’achat des billets. Nous aurions pu faire rectifier le tir mais nous nous promettons plutôt de revenir et profiter à nouveau du domaine.
Le petit village de Fontevraud-l’Abbaye semble n’exister que par son abbaye, les rues sont exemptes de toute circulation automobile mais bordées de rosiers et on se croirait dans un autre temps.
Voila une escale tout à fait extraordinaire dans une région déjà très intéressante, vallée de la Loire, habitations troglodytes, châteaux et manoirs, etc. La douceur angevine quoi !
Pour voir plus de photos, allez voir mon album Piwigo.
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