Il y a cent ans, s’éteignait à Ivry-sur-Seine, dans le dénuement le plus complet, une figure méconnue de la Commune et de la lutte syndicale pour les droits des femmes et des ouvriers, Nathalie Le Mel. Née à Brest le 24 août 1826, elle travailla comme libraire et relieuse avec son mari à Quimper jusqu’à leur faillite en 1861, date à laquelle ils « montent » à Paris. Elle travaille dans un atelier de reliure proche de la gare Montparnasse, quartier des Bretons, et se fait remarquer parce que, selon un rapport de police, « elle s’occupait de politique, lisait à haute voix les mauvais journaux et fréquentait assidûment les clubs ». Elle est membre de l’Association internationale des travailleurs.

En 1865, le syndicat des relieurs créé par Eugène Varlin et Nathalie Le Mel réclame et obtient l’égalité de salaire entre les femmes et les hommes. Varlin propose la création d’une coopérative, la Ménagère, et d’un restaurant populaire communautaire, la Marmite, dont Nathalie dirige l’équipe.

Sous la Commune, elle se fixe comme objectif d’organiser les femmes. Elle crée, le 11 avril 1871, avec Elisabeth Dmitrieff, l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Son programme reprend nombre de revendications : égalité des salaires entre hommes et femmes, droit au travail (organisation des ateliers réquisitionnés), reconnaissance de l’union libre, droit au divorce, etc.

Durant la Semaine sanglante elle tient, avec d’autres femmes, la barricade de la place Blanche. Arrêtée le 21 juin 1871, Nathalie Lemel va tenter de se suicider. En compagnie de Louise Michel, son amie avec qui elle n’est pas toujours d’accord, toutes les deux vont être condamnées, le 10 septembre 1872, à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée de Nouvelle-Calédonie. De sa cellule de la maison d’arrêt de La Rochelle, où elle attend sont départ, Nathalie Le Mel sachant que des amies ont demandé sa grâce, écrit au préfet pour refuser tout traitement de faveur et assume sa responsabilité dans son action révolutionnaire.

Le 10 août 1873, de l’Île d’Aix, c’est l’embarquement pour la Nouvelle-Calédonie. Là-bas les deux femmes vont être scandalisées par le sort des Kanaks et Louise Michel va même ouvrir une école pour apprendre à lire et à écrire aux enfants. Nathalie Le Mel rentre enfin le 28 juin 1879.

Nathalie Le Mel

Le 8 novembre 1879, elle préside le banquet de reconstitution de la Chambre syndicale ouvrière de la reliure et travaille comme plieuse au journal d’Henri Rochefort, L’Intransigeant. Lorsque, usée par cette vie de combat, elle quitte cet emploi, Rochefort lui sert une petite pension. Mais Rochefort verse dans la droite antidreyfusarde et le Boulangisme. Nathalie refuse alors cette allocation, restant ainsi dans le plus total dénuement.

Aveugle, âgée de 90 ans, elle entre à l’hospice de Bicêtre et décède cinq ans plus tard, le 8 mai 1921, mois anniversaire du cinquantenaire de la Commune !

Quelques liens pour en savoir un peu plus sur ce grand petit bout de femme (1,49 m !) :

À Brest, sa ville natale, une fresque représentant Nathalie Lemel a été réalisée sur les murs d’un bâtiment associatif de la ville finistérienne, par l’artiste anglais Guy Denning et son homologue tunisien Shoof. C’est cette fresque qui est en exergue de cet article, et également ci-dessous. Le bâtiment associatif est celui, bien modeste, de La Cafèt’ d’Ahmed.

Les deux photos de la fresque ont été piquées sur © Google Maps.

Pour le texte de cet article, merci au site Les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871 mais il faut aller rechercher l’article sur Nathalie Le Mel sur les archives du site (le lien est ans l’article de Wikipedia).

Outre des rues à Brest, Quimper et Rennes, une petite place porte son nom à Paris dans le troisième arrondissement au nord du Marais, dans le quartier des Enfants-Rouges.


1 commentaire

Matatoune · 26 mai 2021 à 7 h 20 min

Je ne sais si mon commentaire précédent sera publié car ça note erreur. Je recommence. Beau portrait de femme courageuse et téméraire. Merci

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