Le 21 octobre, cela fera exactement cinq cents ans que Fernand de Magellan et son expédition (ou plutôt ce qu’il en restait) pénétrait dans le passage maritime entre Atlantique et Pacifique, connu désormais comme le détroit de Magellan.
Magellan est célébré pour avoir réalisé le premier tour du monde, on dit circumnavigation pour faire plus savant, entre 1519 et 1522, à l’occasion duquel il fera cette découverte qui était indispensable à son expédition.
D’origine portugaise mais soutenu financièrement par le roi d’Espagne, il accomplit ce voyage, non pas pour concurrencer Kerzauson ou Francis Joyon, mais bien plus prosaïquement pour vérifier que la route vers les îles des épices, les Moluques, pouvait passer par l’ouest.
Ces îles, situées dans l’actuelle Indonésie, avaient déjà été reconnues par les Portugais venant de l’océan Indien, donc « par l’Est » selon la vision européanocentrée de l’époque.
Sous l’égide du pape Alexandre VI, le traité de Tordesillas en 1494 avait partagé le Nouveau Monde, entre l’Espagne et le Portugal. La ligne de partage était un méridien localisé à 370 lieues (1 770 km) à l’ouest des îles du Cap-Vert, méridien qui se situerait aujourd’hui à 46° 37′ ouest. Le monde est ainsi divisé en deux hémisphères, est et ouest.
La carte ci-dessous attribuée à Jorge Reinel représente le monde connu au début du 16e siècle et place au centre le méridien de partage du monde issu du traité de Tordesillas. Le Brésil, découvert peu de temps après par le Portugais Pedro Alvares Cabral, est donc sous souveraineté portugaise, le reste des Amériques appartient à l’Espagne.
Autre conséquence du traité, si l’on peut atteindre les îles aux épices par l’ouest et montrer qu’elles sont situées dans le domaine espagnol, c’est tout bénef’ pour l’Espagne qui maitriserait ainsi l’ensemble de la chaîne logistique pour le riche marché du clou de girofle, au détriment du Portugal.
Voila donc pourquoi, le 21 octobre 1520, après de nombreux essais infructueux, et avec trois navires restant sur les cinq partis de Cadix, Magellan entama avec succès le trajet qui devait le mener dans l’océan Pacifique entre la Terre de Feu et le sud du continent américain. Découverte primordiale pour la navigation maritime, car, avant la construction du canal de Panama quatre siècles plus tard, elle permettait l’accès au Pacifique en évitant les terribles parages du Cap Horn.
À défaut d’un périple sur place, je vous propose une des premières cartes du détroit de Magellan dessinée par Jodocus Hondius en 1628. La Terre de Feu est encore mal connue.
Fernand de Magellan n’accomplit pas son tour du monde, car il fut assassiné sur l’île de Mactan aux Philippines le 27 avril 1521. Un seul navire, la Victoria, termina la circumnavigation, sous les ordres de Juan Sebastian Elcano, avec 18 marins et 3 Moluquois.
Le seul témoignage direct du voyage est le journal d’un érudit de la noblesse vénitienne, Antonio Pigafetta (env. 1480–1534), qui fit partie de l’expédition et revint avec Elcano. Il existe quatre versions manuscrites du journal de Pigafetta, trois en français et une en italien. Pigafetta est aussi à l’origine de 23 superbes cartes couleur dessinées à la main, dont un jeu complet accompagne chacun des manuscrits.
Ces récits ont été publié en 1800 par Carlo Amoretti, un prêtre, écrivain, intellectuel et scientifique italien qui, grâce à son travail de conservateur à la bibliothèque Ambrosienne de Milan, découvrit le manuscrit, qu’on a longtemps cru perdu. Amoretti publia le texte italien accompagné de commentaires en 1800, et la traduction française l’année suivante. La BnF détient un exemplaire en français.
La carte de Pigafetta montrée ci-dessous représente le détroit de Magellan, tel qu’il apparaît en 1800 dans l’édition de Carlo Amoretti de l’unique manuscrit en italien.
Conclusion, on connaît Magellan pour être le premier à avoir accompli le tour du monde, mais :
- le tour du monde n’était pas son objectif initial ;
- en plus, il ne l’a pas fini.
- Le capitaine Elcano et son équipage méritent – tout autant – les honneurs.
Désolé de casser un mythe.
La carte en exergue est un extrait de la carte de l’Amérique du Sud dessinée et gravée par Juan de la Cruz Cano y Olmedilla en 1775.
1 commentaire
Micmac · 31 octobre 2020 à 16 h 07 min
Article intéressant. Bon anniversaire, Fernand !