Il y a un peu plus de trois siècles, s’éteignait à Amsterdam à l’âge de 70 ans Maria Sybella Merian qui consacra une grande partie de sa vie à l’étude des insectes et particulièrement de la métamorphose des papillons. Élevée dans une famille et un environnement artistique (son père Matthäus Merian était un graveur et éditeur réputé, son beau-père un peintre de fleurs), elle développa un grand talent pour le dessin et la peinture, qu’elle exerça en prenant pour modèle les fleurs et les insectes des jardins.
Sa méticulosité dans l’examen des insectes la conduisit à s’intéresser tout particulièrement à la transformation des chenilles en papillons, à une époque (fin du 17e) où les insectes étaient considérés comme des créatures du diable parce que l’on croyait à leur génération spontanée à partir de matières en putréfaction.
Fait assez extraordinaire pour une femme en ces temps, elle a réussi à vivre de son art et été reconnue comme une artiste accomplie et une entomologiste experte. De plus, elle n’a laissé personne diriger sa vie personnelle et elle est allée jusqu’à se déclarer veuve alors que son mari était encore en bonne santé parce que la procédure de divorce traînait trop à son goût.
Grâce à ses bonnes relations, elle put accomplir un voyage d’exploration de 2 ans au Suriname, alors colonie hollandaise d’Amérique du sud. De cette expédition qu’elle dut interrompre paludisme oblige, elle tira son chef-d’œuvre majeur paru en 1705 : Metamorphosis insectarium Surinamensium. Les insectes y sont mis en scène dans de grandes gravures mises en couleur à la main ; ils sont représentés sur des spécimens botaniques : ananas, banane, cacao, etc.
Chaque planche dessinée est accompagnée d’une page d’observations très détaillées. Rédigées initialement en latin, comme l’exigeait la pratique, elles furent successivement traduites en allemand et en français. Leur lecture montre la rigueur scientifique de Marie Sybille.
L’ouvrage s’est mal vendu mais il fera cependant sa célébrité posthume. En effet, ses filles, elles-mêmes illustratrices, dont l’une l’avait accompagnée au Suriname, ont publié, après sa mort en 1717, plusieurs nouvelles éditions remaniées et augmentées. Gallica a numérisé notamment les trois tomes d’une version en français publiée encore plus tard, en 1771, soit près de 70 ans après sa mort, sous le titre Histoire générale des insectes de Surinam et de toute l’Europe, qui offrent une bonne qualité de numérisation.
On ne trouve pas que des fleurs et des insectes dans ses ouvrages, elle a peint également des reptiles, des amphibiens, des araignées, etc.
Artiste, naturaliste, exploratrice, indépendante, Maria Sybille Merian laisse le souvenir d’une femme assez peu ordinaire. Bien reconnue par ses pairs artistes et scientifiques de son vivant, son œuvre a été redécouverte à la fin du 20e siècle. Peut-être pas en France, mais au moins en Allemagne où elle a longtemps séjourné et travaillé : hommage suprême, son portrait a illustré le dernier billet de 500 Deutsche Mark. C’est dire …
Plus modestement et moins coûteux, un article du blog de Gallica qui commémorait les 300 ans de sa mort : Maria Sibylla Merian, femme et illustratrice.
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