Lors de mes balades en ville, je m’interroge souvent sur les personnalités que rappellent les noms de rues, de squares, de jardins. Je suis déjà parti à une telle recherche pour les rues d’un nouveau quartier du 13e et c’est fou ce que l’on peut découvrir comme figures de notre histoire, proche ou lointaine.
Je me suis décidé à faire, sur ce blog, une petite rubrique pour relater quelques-unes de ces découvertes. Et si ce ne sont pas de vraies découvertes, c’est de toute manière l’occasion de (re)mettre en avant des femmes et des hommes qui le méritent. Priorité sera donnée aux éléments d’information existant sur Gallica.
Premier exemple qui m’a donné l’idée de cette rubrique, un petit square du 5e arrondissement porte le nom d’Oronce Fine (1494 Briançon – 1555 Paris) Mathématicien et cartographe, Professeur au Collège royal de France.
Situé au carrefour des rues Lhomond et Amyot (c’est qui, ceux-là ? Voir en fin d’article), en face de l’École normale supérieure, le square est un tout petit coin de verdure autour d’un plan d’eau, inaccessible au public et réserve de biodiversité en milieu urbain.
Dans un environnement aussi culturel, il fallait au moins un éminent savant cartographe et mathématicien du XVIe siècle pour marquer un tel endroit. Mais il a fallu une longue intervention de la Fraternelle des Hautes-Alpes à Paris auprès de la Mairie pour aboutir à ce baptême destiné à “commémorer à Paris un haut-alpin de naissance ayant contribué au rayonnement extérieur de son département d’origine”.
Gallica a déjà fait tout le boulot de présentation, puisqu’un article assez complet sur le savant a été publié sur son blog : Oronce Fine, à la croisée des sciences.
Arrivé assez vite à Paris depuis son Dauphiné natal, il démarre comme correcteur dans le domaine de l’édition et de l’imprimerie puis comme professeur de mathématiques au Collège de Navarre situé sur la montagne Sainte-Geneviève. Il passe, semble-t-il sept ans en prison pour s’être opposé au concordat que François Ier voulait imposer aux universités. Mais, sans rancune, le roi le rappellera pour lui confier la toute première chaire de mathématiques au Collège royal (qui deviendra plus tard le Collège de France).
C’est en effet à Oronce Fine qu’on doit la restauration des mathématiques en France à une époque où cette matière scientifique était considérée comme désuète. Il s’illustrera également dans l’astronomie et la géographie et il sera un précurseur de la vulgarisation scientifique.
J’ai déjà rencontré Oronce Fine puisqu’il était présent à l’exposition Quand les artistes dessinaient les cartes que j’ai eu le plaisir de vous présenter récemment. Y était exposé son Bref et singulier traicté touchant la composition et usage d’un instrument appelé la quarré géométrique publié en 1538.
On peut bien entendu lire ce manuscrit sur Gallica. Écrit en français du 16e siècle, il est cependant très lisible pour nous et est décoré avec de très belles illustrations du quarré géométrique et de son usage.
C’est à la page ci-dessous que le manuscrit était ouvert lors de l’exposition des Archives nationales.
Un autre manuscrit, lui aussi joliment illustré par ses soins, est consacré à L’art et manière de trouver certainement la longitude de tous lieux sur la Terre par le cours et mouvement de la Lune ainsi qu’à La composition et usage d’un singulier méthéoroscope géographique. L’image en exergue de cet article est extraite de ce manuscrit qu’on peut lire sur Gallica.
Le méthéoroscope est un “singulier instrument géographique par lequel on peut facilement trouver la différence longitudinale et aussi latitudinale et la vraie élongation des distances entre deux lieux”. Sur le site de l’Association Méridienne, vous en saurez plus si cela vous intéresse.
Comme cartographe, on lui doit la première carte de la France entière, encore dénommée Gallia. Il la publia en 1525, la carte ci-dessous est une édition de 1561.
Il a aussi dessiné cette surprenante mappemonde cordiforme, sans doute destinée à expérimenter des projections novatrices.
Son rôle de vulgarisateur scientifique l’a également conduit à publier des traités sur l’horlogerie et la gnomonique qui est l’art de créer des cadrans solaires. Mais cela nous entrainerait trop loin, je reviendrai sans doute un jour sur la gnomonique …
Pour terminer, on peut signaler qu’on lui attribue une horloge astronomique et planétaire conservée à la Bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris (non loin du square Oronce Fine !). Dans la réalité, il semble qu’il se soit contenté de modifier certains points d’une horloge qui existait auparavant.
Cette horloge n’est pas visible en temps normal dans les locaux ouverts au public de la bibliothèque. Peut-être à l’occasion des journées du Patrimoine ?
En 1935, l’Union astronomique internationale a baptisé un cratère lunaire du nom d’Orontius pour rendre hommage à cet homme d’esprit universel, figure de la Renaissance scientifique.
Pour en savoir plus :
- la collection des documents de Gallica sur Oronce Fine
- un article en anglais sur le site de l’université de St-Andrews, abordant plus spécifiquement ses talents de mathématicien.
La rue Lhomond rend hommage à Charles François Lhomond (1727-1794), prêtre, grammairien et érudit français.
Et la rue Amyot porte le nom de Jacques Amyot (1513-1593), écrivain et évêque d’Auxerre.
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