Attention, cet article est à tiroirs : on va partir de Gallica pour arriver à Plougastel-Daoulas, capitale mondiale de la fraise, à la suite de rebonds un peu hasardeux et en passant par des cartes anciennes. Mais, moi, ça m’amuse !
Nous débutons par des comparaisons, ou plutôt des similitudes, comme le propose le nouvel outil de Gallica, fort justement dénommé Gallica Similitudes, qui a pour objectif de chercher dans la bibliothèque de Gallica des images similaires à une image donnée (téléchargée ou elle-même issue de Gallica). C’est un outil prototype (présentation par l’auteur).
La similitude des images est appréciée par l’outil en s’appuyant uniquement sur les données colorimétriques des images ainsi que ses proportions (rapport hauteur / largeur). Aucune métadonnée bibliographique n’est utilisée pour effectuer le rapprochement.
Sur la base de la seule colorimétrie, les résultats sont mitigés. Dans l’exemple ci-dessous, j’ai choisi comme référence une reproduction d’affiche ancienne numérisée sur Gallica, le résultat proposé par l’outil paraît cohérent.
Par contre, en téléversant une photo personnelle, il est plus difficile de comprendre où se trouve la similitude.
L’explication tient surement au fait que les images de Gallica potentiellement similaires à la référence sont cherchées dans un index qui ne contient actuellement qu’une petite partie de l’iconothèque de Gallica (700 000 images), ce qui limite forcément la pertinence de l’application.
Mais ce qui m’a beaucoup intéressé est le petit plus proposé lorsque l’image de référence est une carte ancienne numérisée sur Gallica. Dans ce cas, un bouton apparaît à côté de l’image, signifiant qu’il s’agit d’une carte, plus précisément qu’elle est géolocalisée sur une commune. En cliquant sur le bouton, on déclenche un affichage en parallèle de la carte de référence et de la carte OSM (Open Street Map) centrée sur la commune. Exemple avec le plan de la Ville de Concarneau datant de 1758 :
Il est possible de zoomer et d’orienter la carte de référence et la carte OSM peut être manipulée pour que les deux vues soient à peu près concordantes, ce qui donne le résultat ci-dessus.
Je n’ai pas pu résister au plaisir de faire le même rapprochement avec une carte ancienne de Brest. Sur Gallica, j’ai trouvé un plan de la ville de Brest réalisée par Amédée-François Frézier en 1754.
Voila un bel exemple de prise en compte de la géographie dans les applications, même s’il s’agit ici d’une « extension » un peu éloignée de la recherche initiale de similitudes colorimétriques. Mais, s’agissant d’un outil prototype, il faut être indulgent. Je serais assez partisan de faire de cette commande annexe un outil à part entière de géolocalisation des cartes de Gallica.
À noter que l’IGN propose une machine à remonter le temps : Remonter le temps qui permet de comparer les cartes et photos aériennes actuelles avec la carte de Cassini, la carte de l’état-major du 19ème siècle et les anciennes photos aériennes.
Exemple ci-dessous (c’est une vraie carte, on peut zoomer et se déplacer) avec une comparaison de la même zone de Brest entre 1952 et la période actuelle. À gauche, en 1952, la ville porte encore les traces de sa destruction totale lors de la seconde guerre mondiale.
GéoBretagne propose sur son site web une application similaire : La Bretagne de 1950 à nos jours.
Exemple ci-dessous avec la Ville Close de Concarneau (c’est une image statique, la vraie carte est ici : lien vers la carte)
J’adore les comparaisons avant-après et cela m’a donné l’idée d’utiliser une extension pour WordPress qui autorise des comparaisons entre deux images superposées. Voici le résultat pour la même carte ancienne de Brest et la carte actuelle du Géoportail. Il faut jouer de Photoshop et déformer un peu la carte ancienne pour qu’elle colle avec le géoréférencement plus précis de la carte actuelle mais le résultat est correct.
Bon ! Pour terminer, une digression sur le camarade Amédée-François Frézier qui a dessiné le plan de la ville de Brest en 1754. Beaucoup d’habitants de la région brestoise le connaissent comme le botaniste qui a ramené des plants de fraises de ses expéditions exotiques pour les acclimater en France. Et plus particulièrement à Plougastel-Daoulas (en face de Brest) où ce brave homme s’était établi. Et voila la raison de la présence ancienne de la fraise sur la presqu’île de Plougastel, reconnue mondialement pour la qualité de cette culture fruitière.
Mais en plus d’être un grand voyageur savant botaniste du 18ème siècle, c’était aussi un architecte, un ingénieur militaire (il a longtemps été responsable des fortifications de la Bretagne), un cartographe de talent. Pour couronner le tout, il avait la réputation d’être un peu anticlérical, critiquant vertement les Jésuites qui voulaient lui donner des leçons d’architecture. Un type sans doute très intéressant !
Originaire de Haute-Savoie, il est mort à 91 ans (!) à Plougastel après une vie bien remplie. J’ai longtemps cru, très naïvement, que le nom de la fraise lui rendait hommage, mais en fait il s’agit d’une coïncidence assez étonnante : un lointain ancêtre à lui a reçu ce nom (ou surnom) d’un aussi lointain roi de France parce qu’il avait offert des fraises à son souverain (on connaissait les fraises des bois en France à cette époque, mais il n’y avait pas de culture).
Cette famille de Fraise a ensuite émigré en Angleterre et en Écosse où le nom s’est transformé en Frazer. Quelques siècles plus tard, la famille est revenue s’établir en Savoie où le nom s’est à nouveau transformé en Frézier.
J’ai eu l’occasion de le croiser dans les rues de Brest au travers d’une fresque de street art qui rendait hommage aux grands hommes de la Ville.
Cela explique peut-être pourquoi beaucoup de cartographes et de géomaticiens adorent les fraises …
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