Je vous ai déjà parlé du tombeau de Philippe Pot que j’aime aller contempler au Louvre, même si la notice du musée évoque la qualité très moyenne de son exécution …

Isa m’a signalé la mise en ligne récente dans Gallica d’une estampe de 1885 qui le représente.

Cette estampe est due à un artiste, Henri Guérard, dont on peut suivre le travail sur Gallica car, en cherchant bien, on trouve plusieurs « états » de cette représentation, sans doute des études successives jusqu’au « bon à tirer » de ce sixième état qui devait enfin satisfaire le donneur d’ordre.

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Estampe d’Henri Guérard – © BNF – Gallica

Bien évidemment, je me suis précipité pour comparer ce dessin à l’une de mes photos prise sous un angle proche. La voici (sur place, il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour avoir le même point de vue).

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Une chose est étonnante : les pleurants n°1 et n°3 de ce côté gauche sont inversés, pour une raison qui j’ignore totalement. Qui est conforme au travail de l’artiste (qu’on ne connaît pas d’ailleurs) : Le Louvre ou l’estampe de 1885 ? Les personnages, tous différents, n’ont pas exactement la même taille, aussi le conservateur du Louvre a-t-il peut-être souhaité avoir une répartition plus harmonieuse, petit – grand – grand – petit, des pleurants, plutôt que les deux grands devant et les deux petits derrière.

Ce tombeau a vécu pas mal de tribulations avant de trouver enfin le calme dans l’aile Richelieu. Destiné à l’origine à l’abbaye de Citeaux en Bourgogne, il a été vendu en 1791 lors de l’adjudication de cette abbaye par l’État révolutionnaire qui cherchait désespérément des sous. Puis, un ouvrier (ou l’entrepreneur) chargé de son déménagement l’a fait disparaître, craignant qu’il ne soit transformé en tas de cailloux. Il change de mains jusqu’à tomber dans celles du Comte de Vesvrotte, aventurier, voyageur et royaliste.

Bien après sa mort survenue en 1840 et la vente de son château en 1850, le tombeau est mis en vente en 1885, donc à l’époque où Henri Guérard en fait la reproduction. Devant le risque qu’il parte à l’étranger, le Préfet de la Côte-d’Or le revendique comme bien de l’État et s’oppose à la vente. Un long procès s’ensuivra, en première instance le vendeur est débouté,  mais l’État perd en appel. Le monument reste donc dans la famille Vesvrotte, mais deux ans plus tard il est vendu au Louvre pour 15 000 francs, y a pas de petits profits.

Lors des procès, la question a été de savoir si le tombeau faisait partie du domaine public ou du domaine privé de l’État. Lors de la dispersion des biens nationaux confisqués au clergé et à la noblesse pour récolter des l’argent sur leur vente, bon nombres de ces biens, notamment culturels, ont été exclus de la vente pour les conserver dans le patrimoine « inaliénable et imprescriptible » de la Nation. Toute la discussion a donc porté sur la légalité des décisions qui avaient été prises à l’époque par les représentants locaux de l’État pour conserver le tombeau dans le domaine public.

Bref ! tout le monde est content, la famille, Le Louvre qui a sauvé l’honneur de l’État, mais pas les dijonnais semble-t-il, qui n’ont pas digéré que le tombeau, après avoir été conservé de haute lutte en Bourgogne, ait été vendu au Louvre …

Gallica possède quelques références sur ce monument et on peut trouver un dessin du 19 ème, non daté précisément, qui ne représente que le gisant sur la dalle funéraire.

Dessin du gisant de Philippe Pot

© BNF – Gallica

Plusieurs choses étonnantes : le heaume du sénéchal ne correspond pas du tout à ce qu’il est en réalité, et le chien couché à ses pieds (signe de fidélité) ne ressemble pas du tout à l’original, les mains sont redressées, les yeux sont clos, etc.

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On peut aller consulter la collection Paris (du nom de Pierre Paris, éminent archéologue et hispaniste) de l’université de Bordeaux Montaigne dans laquelle j’ai choisi les deux photos suivantes.

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© Université de Bordeaux Montaigne – Fonds Paris

La première est prise au Louvre, les pleurants sont disposés dans l’ordre actuel.

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© Université de Bordeaux Montaigne – Fonds Paris

La seconde photo (qui est inversée sur le site) représente le côté droit du tombeau, on voit donc les quatre autres pleurants. Ce qui est marquant sur cette vue, ce sont les capuches des moines qui ont l’air d’être prolongées par des sortes de « tuyaux » très inesthétiques. Je ne sais pas où et quand cette photo a été prise, on dirait que le tombeau est en cours de restauration ou qu’il a été provisoirement protégé. J’ai lu en effet qu’à la fin du 19 ème siècle, sans doute en raison des intempéries auxquelles il avait été exposé pendant des décennies, certaines parties étaient bien abimées, dont les bords des capuchons des pleurants. Cette photo était peut-être destinée à faire un état du monument avant ou pendant sa remise en état.

À suivre lorsque j’aurai de nouveaux éléments.

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2 commentaires

Les tribulations d’un tombeau | Pé... · 24 janvier 2016 à 19 h 49 min

[…] Je vous ai déjà parlé du tombeau de Philippe Pot que j’aime aller contempler au Louvre, même si la notice du musée évoque la qualité très moyenne de son exécution …  […]

Les tribulations d’un tombeau | Infos art... · 24 janvier 2016 à 20 h 37 min

[…] Je vous ai déjà parlé du tombeau de Philippe Pot que j’aime aller contempler au Louvre, même si la notice du musée évoque la qualité très moyenne de son exécution … Isa m’a signal…  […]

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