Suite de nos pérégrinations dans l’île Bourbon, dite aussi île de la Réunion.
Nous sommes dans le cirque de Salazie, à Hell Bourg où la météo n’est pas vraiment au rendez-vous …
Dimanche 27 mai 2012
Nous nous réveillons sous un temps toujours aussi gris et bouché, un plafond très bas, voire même pluvieux. Nous prenons notre petit-déjeuner à la table d’hôte en compagnie de nos voisins (pas les bruyants).
On se console en faisant quelques photos du jardin sous la pluie (c’est toujours photogénique).
Nous partons faire la visite de la villa Folio, qui est une jolie case créole dans un beau jardin et que l’on peut visiter car M et Mme Folio, qui y habitent toujours, veulent montrer tout ce qui a été fait pour la mettre en valeur et partager leur amour de ce genre d’habitation.
La visite se fait sous la direction d’Isabelle, notre “guide créole” qui est très intéressante et connaît bien son affaire. Elle nous donne tous les noms créoles des plantes que nous rencontrons dans le jardin et nous raconte force anecdotes.
Nous parcourons les allées du jardin avant de nous arrêter dans le petit bâtiment annexe qui fut la cuisine et est maintenant un musée des ustensiles ménagers. La visite s’achève dans l’habitation elle-même où nous pouvons contempler le mobilier ancien.
Dans le jardin, nous faisons connaissance avec une araignée locale, appelée ici la bibe, et plus habituellement dénommée la néphile dorée (quoique sur la photo ci-dessous on dirait bien une nephila nigra qui en est une variation locale).
Une des caractéristiques de cette espèce est le dysmorphisme sexuel (la grande différence entre le mâle et la femelle). En effet, sur la photo, la belle plante du milieu, c’est la femelle et le petit truc qui s’agite en haut de la toile, c’est le mâle, qui ne fait que quelques millimètres. On en verra un autre exemple plus tard dans le carnet.
Cette araignée est calme et inoffensive, mais sa morsure peut être douloureuse. Sans blague ? On dit également que la toile qu’elle tisse serait la plus solide de toutes les araignées, ce qui la ferait utiliser comme filet de pêche pour des petits poissons !
Nos pas nous mènent ensuite, toujours sous la pluie, vers les anciens thermes que l’on atteint un peu à l’extérieur et en contrebas du village, après une petite marche sur un sentier caillouteux rendu glissant.
Ce sont d’anciens thermes, car le site a été abandonné depuis qu’un cyclone a fait disparaître les sources thermales de cet endroit. Mystère de la nature, mais dans une géologie aussi récente, tout est sans doute possible. Des maladresses dans la tentative de réparer le site, suite à un éboulement, ont définitivement sonné le glas des sources.
Nous remontons vers le village et poursuivons même jusqu’à la “fête des chouchous” qui est une sorte de kermesse locale consacrée à la gloire de la christophine (ou chayotte), plante utilisée ici dans toutes ses composantes (tiges et fruits) pour la cuisine et accessoirement pour fabriquer des chapeaux de paille avec les tiges desséchées. N’éprouvant pas un amour immodéré pour cette spécialité culinaire locale, nous nous contentons d’acheter des beignets, des samozas et du gâteau de manioc.
Comme il pleut toujours et que nous soupçonnons que cet état météorologique risque de s’attarder sur les hauteurs, nous décidons de descendre vers la côte est pour constater de visu si le temps y est plus clément. De plus, le village est envahi par des cohortes de véhicules et de visiteurs venus pour la fête, ce qui casse un peu le charme de l’endroit.
En route donc pour la côte en direction de Saint-Benoît qui est la dernière “grande” ville avant le “sud sauvage” qui s’étend au pied du Piton de la Fournaise.
Après Saint-Benoît, nous arrivons à Sainte-Anne (qui est en fait un quartier de Saint-Benoît) et de son église “rococo” classée monument historique depuis 1982. Le dossier d’!nventaire nous apprend qu’elle a été construite de 1857 à 1862 par l’abbé Carnet et que le clocher et la chapelle Sainte-Thérèse construits à partir de 1922 sont l’oeuvre du père Dodemberger. Le dossier de protection indique que ce qui fait l’objet plus précisément d’une protection au titre des MH c’est la “façade de l’église avec son clocher ainsi que la chapelle Sainte Thérèse y compris son décor intérieur peint”.
Cette église est également connue pour avoir servie de décor à François Truffaut dans son film La sirène du Mississippi pour la scène du mariage entre CatherineDeneuve et Bébel (Le Mississippi est le bateau avec lequel Catherine Deneuve est venue à la Réunion escroquer en beauté Bébel … l’histoire finira très mal, c’est un chef-d’oeuvre du polar noir de William Irish)
Quant à la chapelle Sainte-Thérèse, elle est très décorée … on reconnaît le décor qui a servi au film.
Abasourdis par tant de splendeurs, nous devons continuer notre route mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Plus loin, en effet, à Sainte-Rose, nous passons devant une autre église, Notre-Dame des Laves, la bien nommée, qui aurait vu une coulée de lave s’arrêter à quelques mètres de son portail lors de l’éruption de 1977.
On a laissé les lieux en l’état, au cas où des mécréants ne croiraient pas au miracle (ceci dit, sur l’article de wikipedia consacrée à l’église, il y a une photo montrant que la lave a causé de gros dégâts à l’intérieur …). Mais, bon, c’est intéressant, on est peu de choses.
Arrêt au port pour quelques photos, malgré la lumière peu encourageante.
Halte suivante à l’anse des cascades, un point de vue réputé sur cette côte très déchiquetée et surtout un coin à pique-nique très fréquenté. Le pique-nique dominical est ici une institution qui voit les familles déménager chaque semaine avec tables, chaises, marmites et glacières pour partager des repas qui semblent pantagruéliques … L’ONF a réalisé, dans des endroits parfois reculés, un grand nombre d’aménagements constitués de paillotes parfois équipés de barbecues pour accueillir tous les amateurs.
La photo montre bien que la mer est très souvent difficilement accessible à la Réunion, il y a peu de plages et celles qui sont praticables sont concentrées en quelques assez rares endroits. Ce qui n’empêche pas bien entendu de venir profiter de la vue et du bon air pur.
Nous poursuivons jusqu’au “Grand Brûlé”, qui est l’endroit spectaculaire où le cône de déjection du volcan croise la route RN2 qui longe la côte. Fatalement, ces deux-là doivent se rencontrer, le premier se dirige de l’ouest vers l’est, la seconde sur un axe nord-sud. Des plus savants que moi diront que nous sommes dans la partie côtière de la dernière caldeira du Piton de la Fournaise.
Sur quelques kilomètres, on traverse des coulées de lave successives, plus ou moins anciennes, qui présentent des aspects très changeants dus au fait qu’il s’agit d’éruptions différentes : d’après le GéoPortail, du nord vers le sud, elles datent de 2002, 1961, 1998, 1943 et 2007. Celle-ci, la dernière avant le “rempart” du Tremblet qui boucle la zone d’écoulement des laves (la caldeira quoi !), fume encore … Par endroit, des arrêts sont plus ou moins aménagés pour que l’on puisse aller contempler quelques grottes au fond desquelles la lave s’est écoulée.
Impressionnant ! C’est la première fois que nous marchons sur de la lave, tout au moins de la lave récente au pied d’un volcan encore actif. Selon l’âge des coulées, on rencontre différents espèces de plantes qui peinent à tracer leur chemin dans ce sol aride et hostile.
Le plafond, toujours bas et gris qui pèse comme un couvercle (oui, bon, ça va ! Charles Baudelaire, si tu nous lis …), nous cache la vue sur le sommet du volcan, qui doit se trouver là-haut dans la grisaille. Mais côté mer, ça se dégage nettement.
Pour remonter vers le nord et regagner le cirque de Salazie, nous empruntons, à partir de l’anse des cascades, une route qui nous fait grimper dans les hauteurs au milieu des ravines et des plantations de cannes à sucre. Un peu plus loin, nous reprenons la RN2, mais un accident au “pont étroit” (sic !) nous incite à faire demi-tour et à reprendre notre itinéraire bis par les collines.
Nous aurions bien voulu nous arrêter au Pont Suspendu qui est un ancien pont désaffecté, maintenant réservé aux piétons et aux vélos, pour aller admirer la ravine qu’il surplombe, mais la pluie en a décidé autrement (comme à l’aller d’ailleurs) et nous renonçons.
Je parle de la pluie, mais en réalité, le temps a été beaucoup plus dégagé que ce matin là-haut. Il y a même eu des passages ensoleillés ! Par contre, en remontant vers Hell Bourg, nous avons l’impression que la grisaille et la pluie ne se sont pas interrompues depuis notre départ.
Dans la soirée, dimanche oblige, beaucoup de restos sont fermés. Heureusement, le Relais des Cîmes (un autre hôtel du coin) nous accueille avec un très intéressant menu “dégustation” et nous passons une agréable dernière soirée hell-bourgeoise.
Lundi 28 mai 2012, dit lundi de l’Ascension
Comme c’est le lundi de l’Ascension, nous décidons de prendre de la hauteur pour rejoindre notre prochain lieu de villégiature, en traversant l’île par la route qui va nous mener à plus de 1600 mètres d’altitude au pied des pitons.
Nous quittons Hell Bourg et le cirque de Salazie sous la pluie : nous n’aurons rien vu des paysages splendides qu’on nous promettait, les sommets étant toujours perdus dans une grisaille persistante. Nous renonçons également à faire un détour par le site de Takamaka que l’on peut atteindre par une route partant de Saint-Benoît et nous attaquons directement la montée vers la Plaine des Palmistes, le col de Bellevue (aujourd’hui le mal-nommé car il est perdu dans le brouillard) qui nous amène aux 1600 mètres prévus, puis Bourg-Murat et la Plaine des Caffres.
Paysages étonnants, car avec l’altitude, nous passons de la luxuriance tropicale à la forêt tempérée puis aux paysages normands et alpestres (prairies, forêts de confères, vaches et camions de ramassage du lait !). Etonnants, mais aussi rafraichissants, car la température a bien chuté. Ce qui nous étonne, ce sont ces tâches jaunes que l’on voit au loin dans le paysage et qui ressemblent furieusement à des arbres prenant leurs couleurs d’automne. De plus près, ce sont bien des platanes en livrée automnale, ce qui n’est finalement pas si surprenant que cela, car nous sommes à l’approche de l’hiver austral …
Sur le versant ouest de l’île, le soleil apparaît et bientôt toute la grisaille de la veille est oubliée. Nous voulions faire une halte à Bourg-Murat pour visiter la maison du volcan, mais elle est fermée pour cause de rénovation (bien la peine de faire 10 000 kilomètres !). Alors nous poursuivons jusqu’à la Plaine des Caffres où nous faisons des courses au Leclerc du coin (oui oui, nous sommes bien en France !) qui va fermer (c’est un jour férié, ne l’oublions pas). Puis, nous allons jusqu’au belvédère de Bois-Court situé à quelques kilomètres du centre ville, où nous pouvons enfin admirer les paysages à couper le souffle des montagnes et des ravines encaissées.
Les maisons situées tout en bas sont accessibles uniquement par des sentiers pédestres et, depuis quelques années, par un téléphérique dont on voit les câbles sur la gauche. Ça a du changer la vie des habitants du village et la descente doit être impressionnante.
Sur la plate-forme du belvédère, une horloge hydraulique est l’attraction du coin. En tout cas, le site attire du monde (pique-nique oblige), c’est aussi un petit village artisanal. Mais un peu trop de monde et un peu trop de fraîcheur (on est à près de 1400 m d’altitude) nous incitent à continuer notre descente vers la côte sous-le-vent. On traverse des villages aux noms romantiques, qui nous rappellent notre bonne vieille capitale, le 19ème, le 17ème, le 14ème, le 12ème, mais ce sont en fait les points kilométriques depuis Saint-Pierre !
Nous nous arrêtons sur les hauteurs de Saint-Pierre près d’un petit parc pour pique-niquer et, après avoir téléphoné au propriétaire car il est un peu tôt, nous poussons jusqu’au gîte que nous avons réservé à Saint-Pierre, plus exactement dans le quartier de Terre Sainte.
Le gîte est situé au bord de la route qui longe le front de mer. Peut-être un peu bruyant avec le trafic automobile dans la journée, mais nous sommes assez bien situés.
Nous profitons de cette après-midi pour visiter la ville de Saint-Pierre que nous trouvons très belle et agréable à vivre. Le front de mer est bien aménagé pour les piétons et nous poussons également jusqu’au port de plaisance qui accueille énormément de bateaux.
Soirée cool avec les plats rougail saucisse et carri poisson achetés chez Rita à côté (pas une grande finesse, mais ça cale).
Le soir, le propriétaire m’a montré la Croix du sud : nous sommes effectivement dans l’hémisphère sud, ce qui nous permet de découvrir cette constellation pour moi inconnue jusqu’à présent.
Mais cette position géographique conduit à deux autres phénomènes :
- le soleil se déplace dans le ciel de la droite vers la gauche pendant la journée ;
- la lune “ne ment pas” dans l’hémisphère sud : j’ai eu l’occasion d’expliquer cela dans cet article.
Quand la lune ressemble à un C dans l’hémisphère nord, elle Décroit, c’est-à-dire que nous allons de la pleine lune vers la nouvelle lune. Et quand elle dessine un D, elle Croît. Cette “inversion” symbolique des C et D fait dire que la lune ment.
Mais dans l’hémisphère sud, c’est le contraire : elle ne ment pas, donc les C et D correspondent à la réalité de la croissance et de la décroissance.
La preuve en image ci-dessous :
Sur cette image, la lune ressemble à un C, incliné certes (mais nous sommes à 21 degrés de latitude sud). Donc, elle croît, ce qui est bien le cas car nous sommes entre le premier quartier du 28 mai et la pleine lune du 4 juin (la photo a été prise le 30 mai).
Qu’est-ce qu’on peut en déduire d’autre ? Que le ciel était dégagé ce soir-là !
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