Après une courte visite à Reims, nous reprenons la direction du Grand Est pour une courte randonnée à vélo, de gare à gare, de Saint-Dizier à Vitry-le-François, en faisant le tour du lac du Der, aussi dénommé le lac du Der-Chantecoq ou le lac-réservoir Marne.
Ci-dessous une carte des traces GPX (brutes de décoffrage) de nos trois jours de randonnée avec l’arrivée depuis Saint-Dizier jusqu’aux rives du lac et à Guiffaumont-Champaubert où nous faisions escale, la balade du deuxième jour au sud-ouest du lac vers les sites d’observation des oiseaux et les églises à pans de bois et la route du retour par l’ouest du lac et la piste cyclable jusqu’à Vitry-le-François.
La piste cyclable depuis Saint-Dizier longe le canal d’amenée qui permet de remplir le lac en dérivant une partie des eaux de la Marne. Ça manque de poésie et de végétation, le vent nous souffle dans le nez, mais nous sommes quasiment seuls sur cette autoroute à vélos. Au bout d’une dizaine de kilomètres, nous atteignons le lac.
Le lac du Der est la retenue d’eau artificielle la plus étendue de France, en surface mais pas en volume d’eau stockée. Le côté artificiel ne peut échapper au visiteur car, sur une grande partie de son pourtour, des digues bétonnées, bitumées et rectilignes facilitent certes le parcours à vélo mais rappellent que cet ouvrage est bien une création humaine brutale. Cependant, en tournant le regard vers le plan d’eau, on découvre tout de suite un milieu aquatique qui semble très naturel et accueillant pour la faune.
Nous avons la chance d’admirer cette étendue d’eau au début du mois de juillet alors que les « restitutions » d’eau vers la Marne ne l’ont pas encore vidée. Au mois de novembre, lorsque les 3/4 du stock ont été renvoyés chez les Parisiens, la vue doit être moins agréable avec un niveau descendu de plus de 10 mètres, mais c’est à cette époque que les oiseaux migrateurs arrivent par dizaines de milliers.
Nous explorons un peu le nord du lac avant de nous diriger vers le sud pour rejoindre Giffaumont-Champaubert et son centre nautique et de loisirs qui rêve de rivaliser avec la Méditerranée ou la côte atlantique. Chemin faisant, il ne faut pas oublier de faire un détour par l’église Saint-Laurent de Champaubert, site emblématique du lac, qui a survécu aux destructions des trois villages engloutis par les eaux en 1974. Tout près de l’église, une stèle rappelle à notre mémoire la destruction des villages et le déplacement forcé de plus de 300 personnes.
Le lendemain, le temps est nuageux, alternant entre timides éclaircies et crachin. Nous avons au programme la découverte d’un circuit menant aux observatoires ornithologiques situés près du port de Chantecoq et en bordure de l’étang des Landres. Nous faisons également halte à la maison de la LPO où nous échangeons avec la dame de l’accueil.
Bien que n’étant pas en période migratoire, les oiseaux sont bien présents sur le plan d’eau et les hirondelles volent autour de nous pour rejoindre les nids qu’elles ont construits sous le toit des observatoires. Nous n’avons pas de jumelles ni de zoom pour prolonger nos observations mais nous profitons de l’ambiance calme des lieux.
Nous sortons de la zone des étangs pour atteindre à quelques kilomètres le village d’Outines. Ce village a fait l’objet d’un arrêté de protection en 1970 pour son habitat traditionnel particulièrement remarquable et bien conservé. Son architecture rurale en pans de bois et torchis, typique de la Champagne humide où la pierre manquait pour la construction, se retrouve aussi bien dans les maisons peu élevées du village que dans l’Église Saint-Nicolas datant du 16e siècle et classée monument historique. C’est la plus vaste église à pans de bois de la Marne.
L’intérieur de l’église est tout aussi remarquable avec son plafond soutenu par des gros piliers et poutres en bois qui confèrent à l’ensemble un caractère chaleureux.
Sous un petit crachin, nous poursuivons notre balade vers le village d’à-côté, Châtillon-sur-Broué, qui abrite également une église à pans de bois.
Retour au « village vacances » de Giffaumont-Champaubert pour la pause méridienne.
Dans l’après-midi, profitant d’une éclaircie, nous repartons vers l’étang du Grand Coulon et son observatoire ornithologique. Le chemin pour y accéder est un peu chaotique et après l’arrêt à l’observatoire, nous rejoignons le parcours de ce matin pour reprendre la piste cyclable de la digue près du port de Chantecoq et profiter du vent d’ouest qui nous pousse.
Le lendemain matin, le temps se remet au beau après la brume matinale et le vent est tombé. Nous longeons par l’ouest le lac jusqu’à Sainte-Marie-du-Lac-Nuisement où nous le quitterons pour rejoindre Vitry-le-François. C’est l’occasion de profiter encore du beau paysage aquatique en contrebas de la digue et d’admirer les oiseaux qui y pêchent (un héron pourpré notamment). Nous coupons une partie du circuit par la presqu’île de Larzicourt et la digue de Crachefer (superbe nom !). Près de la plage de Nuisement, nous passons devant une attraction aquatique qui est « un des plus grands parcs flottants d’Europe ». Voila qui nous parle.
À Sainte-Marie-du-Lac-Nuisement, nous visitons le village musée du Der. Créé en 1999, ce musée du pays du Der a été voulu pour conserver la mémoire des trois villages disparus, Nuisement-aux-Bois, Chantecoq et Champaubert. Il présente à travers ses collections toutes les facettes de la Champagne humide : les vieux métiers, les arts et traditions des villages disparus, l’église de Nuisement sauvée des eaux, le pigeonnier, le four à pain, divers bâtiments à pan de bois.
Si la visite est très intéressante, je ne peux m’empêcher d’être troublé par le lien direct qui est établi entre le souvenir des trois villages engloutis et la mémoire des vieux métiers et des traditions du Der. Comme si rien ne s’était passé dans la région entre la fin du 19e et 1970, comme si c’était une œuvre de salubrité de faire disparaître cet habitat et ce mode de vie ancien pour le faire entrer au musée.
Dans les années 70, un jeune homme interviewé par un journaliste sur la disparition de son village se révoltait en disant que depuis plusieurs décennies, la région était vouée à disparaître sous les eaux, que l’entretien des bâtiments et des infrastructures ne se faisait plus et que dans ces conditions c’était facile de montrer le côté positif des travaux qui amélioreraient les conditions de vie des habitants.
Je me demande si le travail de reconstruction mené dans le cadre du musée n’aurait pas pu être effectué en déplaçant certains bâtiments des villages engloutis sur de nouveaux lieux de vie. Après tout, ces maisons à pans de bois étaient susceptibles d’être reconstruites rapidement en cas de besoin, incendies, nécessité de se rapprocher des lieux de coupe de bois, etc.
Au bout d’une heure et demie de visite, nous déjeunons d’une salade au restaurant du village avant de reprendre la route. Il nous reste une vingtaine de kilomètres à faire jusqu’à Vitry-le-François. Au début, le parcours suit une départementale pas trop circulée, puis on rejoint le canal entre Champagne et Bourgogne (de mon temps, c’était le « canal de la Marne à la Saône ») sur les 15 derniers kilomètres. À l’inverse du canal d’amenée de l’aller, ici nous avons un canal de navigation « à l’ancienne » très agréable à longer. Nous arrivons à Vitry-le-François où nous reprenons le train pour la capitale.
Pendant ce périple champenois très intéressant, j’ai balancé entre souvenir et avenir, touché par la douleur encore présente des disparitions de villages et cependant surpris par le travail de « reconstruction » accompli qui associe aujourd’hui le développement touristique à la préservation de la nature. Mais j’ai peur que de tout cela ne subsiste au final que le développement touristique. Et ce n’est pas une critique gratuite, car la construction d’un hôtel de luxe près du centre nautique de Giffaumont-Champaubert alors que les observatoires ornithologiques se dégradent est à mon sens un signe de la direction souhaitée par les institutions en charge de l’aménagement.
Sur le plan pratique, venir et repartir de Vitry-le-François pour effectuer le tour du lac du Der est peut-être plus intéressant que depuis Saint-Dizier. Je parle bien entendu d’un voyage en train et vélo. En effet, le parcours d’accès au lac est bien plus agréable, sans doute mieux protégé du vent. On peut aussi envisager un hébergement au nord, près de Sainte-Marie-du-Lac-Nuisement, si l’on n’est pas irrésistiblement attiré par le centre nautique. Par contre, il faudra prévoir une journée vers les observatoires ornithologiques et les églises à pans de bois, plutôt situés au sud-ouest.
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