Walter Sickert (1860-1942) est un peintre assez peu présent dans les musées français, peut-être parce qu’il est un artiste singulier, doté d’une personnalité excentrique et mystérieuse. Néanmoins, son indifférence aux conventions, ses techniques picturales sans cesse renouvelées et ses sujets énigmatiques font de lui un acteur de l’innovation artistique britannique pendant soixante ans.
C’est donc tout à l’honneur du Petit Palais de combler cette lacune pour le public français et de proposer cette rétrospective de son œuvre, organisée conjointement avec la Tate Britain, sous le titre de Peindre et Transgresser.
Le parcours de l’exposition suit grosso modo l’ordre chronologique de la carrière de Walter Sickert, en mettant l’accent sur certaines thématiques qui ont traversé son œuvre : les autoportraits, les scènes de music-hall, les nus, les paysages, les portraits, les scènes de la vie intime.
Il se fait remarquer en Angleterre à la fin des années 1880 avec ses tableaux de music-halls, à une époque où ces lieux ne sont pas jugés dignes d’être peints. Il fait ensuite scandale au début du XXº siècle en peignant des nus sombres et dérangeants dans de sordides chambres meublées de quartiers populaires.
Son travail est alors influencé par la scène artistique française du tournant du siècle, dont il fait pleinement partie. Sickert vit un long moment en France, à Dieppe surtout, où il habite de 1899 à 1905, et à Paris, où il expose régulièrement au cours de la première décennie du 20e siècle. Il est présent au Salon des indépendants ou encore au Salon d’automne, ainsi que chez ses deux marchands parisiens, Durand-Ruel et Bernheim-Jeune. Important pivot entre la France et la Grande-Bretagne, il noue des liens artistiques ou amicaux profonds avec de nombreux artistes français, en premier lieu avec son mentor Edgar Degas.
Après la Première Guerre mondiale, il rentre définitivement en Angleterre où il devient un artiste reconnu et influent, tandis qu’en France il sombre dans un oubli relatif. Il déstabilise à nouveau le milieu de l’art anglais durant la dernière partie de sa carrière, avec des peintures aux couleurs étranges, faites à partir d’images de presse, temoignant d’une conception novatrice du processus créatif. Il continue ainsi à se renouveler et à incarner une certaine forme de modernité en modifiant ses thématiques et sa manière de peindre.
La peinture de Sickert est pour le moins déroutante, aussi bien dans la technique et les couleurs parfois étranges qu’il utilise que dans les sujets et les compositions qu’il choisit pour ses tableaux. Mais tout cela est bien intéressant et cette exposition mérite indéniablement une visite avant le 29 janvier prochain.
Pour en savoir plus :
- ma galerie photos
- le dossier de presse de l’exposition
Je ne peux résister au plaisir de conclure sur une anecdote concernant Walter Sickert : certains l’ont soupçonné d’être Jack l’Éventreur. Il avait habité à Londres dans un logement dont la propriétaire pensait que le précédent locataire était le tueur en série et, à cette occasion, l’artiste avait peint un tableau très sombre, La Chambre de Jack l’Éventreur. Bien que rien ne permette de l’incriminer (il était même absent de Londres lors des crimes), dans les années 1970 des écrivains en mal de sensationnel ont développé cette théorie fantaisiste, portés par l’étrangeté des tableaux de l’artiste …
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