Sous l’intitulé Paris – Athènes, naissance de la Grèce moderne 1675 – 1919, le Louvre nous invite à un voyage en Grèce entre la fin du 17e siècle et le début du 20e, à une période où des relations profondes se sont tissées entre Paris et Athènes, plus largement entre la Grèce et certaines puissances européennes. Le prétexte à cette commémoration est le bicentenaire des événements de l’année 1821 qui vit, à la fois, le début de la guerre d’indépendance de la Grèce contre l’empire ottoman et l’arrivée en France de la Vénus de Milo.
Aux 17e et 18e siècles, les ambassadeurs en route vers Constantinople, capitale de l’empire ottoman, découvrent en Grèce une province ottomane, qui intéresse vivement les artistes et intellectuels. La première salle de l’exposition nous montre un grand tableau représentant l’ambassade du marquis de Nointel, ambassadeur de Louis XIV, arrivant à Constantinople, et de nombreuses stèles et bas reliefs symbolisant sans doute l’intérêt retrouvé des occidentaux pour l’art grec antique. À noter sur la droite de la photo, une émouvante stèle gravée des noms des morts au combat.
La Grèce était tombée sous le joug ottoman depuis la chute de l’empire byzantin en 1453, depuis que Byzance était devenue Constantinople. Une salle “byzantine” célèbre l’art byzantin et même post-byzantin avec de magnifiques icônes.
À partir de 1821, la guerre d’indépendance contre la Turquie reçoit, dans un premier temps, le soutien des opinions publiques en Europe, on est, mine de rien, dans une guerre de religion, la chrétienté occidentale éclairée par les Lumières soutient les grecs de tradition chrétienne contre les ottomans musulmans.
Quelques tableaux nous rappellent les batailles bien meurtrières, comme celle de Missolonghi, qui ont jalonné cette guerre qui prendra fin en 1830 lorsque la Russie, la France et l’Angleterre interviennent militairement en faveur des Grecs qui étaient malmenés.
La Grèce proclame Athènes comme capitale en 1834 et, influencé par la présence allemande et française sur son territoire, le nouvel État grec construit son identité culturelle moderne en puisant aux sources du néoclassicisme français et allemand, pour bien se démarquer des cinq siècles de l’occupation turque. La défense du patrimoine national et la collaboration européenne marquée par la création d’instituts archéologiques, comme l’École française d’Athènes en 1846, sont à l’origine du développement de l’archéologie comme une véritable discipline scientifique et conduisent à la découverte de pans méconnus de l’histoire de la Grèce antique.
Paradoxalement, le parcours chronologique de l’exposition se poursuit avec une incursion dans les œuvres immortelles de l’antiquité grecque (ou leurs moulages), en fait on se promène dans une reconstitution du pavillon consacré à l’archéologie française lors de l’exposition universelle de Paris en 1900.
Un atelier d’artistes suisses implantés à Athènes autour d’Émile Gilliéron (1850-1924), contribue à la fabrique de l’identité nationale de la nouvelle nation et invente un langage visuel original (quoiqu’un peu rêvé). Lors des grandes Expositions universelles ou des premiers Jeux olympiques modernes de 1896 à Athènes, ils inventent les modèles des trophées sportifs remis aux vainqueurs, des billets de banques, des timbres ou des diplômes, inspirés des récentes découvertes archéologiques.
Les relations entre Paris et Athènes sont particulièrement riches au tournant des années 1900. L’influence française est portée par l’attractivité de Paris, capitale des avant-gardes artistiques. Auparavant formés à Munich, les artistes grecs sont présents aux différentes Expositions universelles de Paris, espérant se faire ainsi connaître sur la scène artistique européenne.
Comme témoins de cette influence, on peut citer le tableau de Iakovos Rizos, Sur la terrasse ou La “Soirée athénienne” peint en 1897 servant de visuel à l’affiche de l’exposition – et d’exergue à cet article – ainsi que d’autres œuvres exposées.
Le groupe d’artistes appelé Techne fondé en 1917 voulait rompre avec l’académisme, en étant proche de la Sécession viennoise, du symbolisme français ou du fauvisme et des Nabis. Dans un contexte de négociation des traités de paix au lendemain de la Première Guerre mondiale, ces artistes exposent à Paris en 1919 et expriment une même volonté de rupture avec la tradition de l’art grec. Pour cette raison même, l’exposition fut mal reçue par la critique française : le public parisien assignait l’art grec à un exotisme orientalisant ou espérait des rappels de l’héritage antique. Le groupe Techne se sépara en 1920.
Comme vous pouvez le constater, cette exposition est très touffue, en voulant parcourir et illustrer deux siècles de relation culturelle entre le France et la Grèce moderne. Touffue voire un peu fourre-tout. Il me semble que quelques-unes des sections du parcours auraient pu faire l’objet d’une exposition à elles seules, l’art byzantin (redécouvert), les débuts de l’archéologie moderne et la redécouverte de la Grèce antique, l’émergence de l’identité culturelle grecque moderne, les artistes grecs du 19e, etc.
Ceci dit, il ne faut pas bouder son plaisir de (re)voir des expositions dans notre plus beau musée du Monde, j’espère que ça va pouvoir durer … Cette exposition s’achève au mois de février 2022. Si, en plus, vous voulez contempler un moulage de la Vénus de Milo, alors que l’original est deux niveaux au-dessus, n’hésitez pas 😉 !
Pour en savoir plus :
- télécharger le dossier de presse de l’exposition sur le site du Louvre ;
- mon album photo contient bien plus de photos que cet article.
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