En cheminant sur le sentier côtier qui longe la mer en pays d’Iroise, le marcheur curieux remarquera en haut de quelques falaises abruptes de grosses dalles rocheuses percées d’un trou allongé. En étant plus attentif, on constate souvent qu’un mur de soutènement en maçonnerie ceint le haut de la falaise juste sous la dalle.
Ces dalles appelées davieds en breton (en français on dit daviers) servaient à faciliter la remontée du goémon récolté sur la grève en contrebas de la falaise, grâce à un système de bras et de poulie s’appuyant dessus. C’est une spécificité du littoral de Plougonvelin , où ils sont les plus nombreux, et de quelques communes limitrophes.
Dans le jardin du Vaéré, récemment visité, le propriétaire des lieux, Gaby Quellec, a reconstitué un de ces dispositifs : s’étant aperçu qu’une des dalles du site du Vaéré était tombée sur la grève suite à l’effondrement du mur de maçonnerie qui la soutenait, pour la sauver, il l’a entourée d’un câble puis, avec l’aide d’un petit tracteur, après maints allers et retours dans la grève pour la débloquer d’entre les rochers, il a réussi à la ramener sur la terre ferme et à l’installer dans son jardin.
Un petit schéma montre le fonctionnement du dispositif. Je me permets en outre de reproduire le texte explicatif qui l’accompagne.
Le davied, permettant la remontée du goémon des criques inaccessibles aux charrettes, comprend une dalle de micaschiste ou de gneiss mica schisteux (en breton : mein davied) placée en léger encorbellement sur la falaise, percée d’un trou rectangulaire ou oblong où l’on enfile une forte pièce d’orme, (en breton koat davied), qui porte dans sa partie supérieure, légèrement renflée, un réa fixé par une goupille métallique ou de bois dur.
Une corde un peu plus longue que la falaise passe par le réa ; elle se termine par un léger support en V, en buis ou en frêne, sur lequel un faix de goémon est installé par un opérateur descendu dans la grève par un sentier escarpé. Ce faix est remonté à l’aide d’un cheval qui tire sur la corde.
Arrivée en haut, la charge est déposée sur la dune par un basculement de la pièce de bois. Le goémon peut alors, soit être traité sur place et transformé en pains de soude, soit emporté par une charrette et servir à l’amendement des terres. Jusqu’en 1945 environ les pains de soude sont livrés à l’usine du Conquet qui en extrait l’iode.
La remontée d’algues par les daviers s’est perpétuée sur Plougonvelin jusqu’aux années 1955/60.
Jardin du Vaéré
La photo en exergue montre une dalle subsistant au sommet de la falaise au-dessus de la grève du Vaéré. Ci-dessous on peut constater l’importance de certains travaux de confortement du haut de la falaise pour assurer la stabilité du davied et la sécurité des goémoniers.
Mais, faute d’un entretien régulier et malgré l’intervention de certaines associations, bon nombre de ces dispositifs se dégradent.
Un traquet motteux nous surveille du coin de l’œil pendant que nous immortalisons son davied.
Je connais deux autres endroits où l’on trouve encore des davieds. Le premier se situe non loin du Vaéré, en direction de la pointe Saint-Mathieu en face des rochers des Rospects.
Ici aussi, les murs en maçonnerie se dégradent, quand ce n’est pas la falaise elle-même qui s’écroule.
Un panneau d’information vous explique tout cela.
Le dernier endroit où j’ai repéré des davieds est situé un peu plus au nord sur la commune de Ploumoguer au niveau du village de Brenterc’h, entre la plage d’Ilien et celle de Kerhornou. Ce site, dénommé Porstheven (ou Porz-Taevenn), est un peu particulier pour deux raisons : les goémoniers qui travaillaient ici avaient construit quelques maisons en haut de la falaise, maisons aujourd’hui transformées en résidences de loisir. Le site est impressionnant.
La seconde raison tient au support de la pièce de bois portant le réa. Ici, cette pièce n’était pas fichée dans un trou dans la dalle mais était tenue par deux poutres en bois (dont les restes sont visibles) maintenues sous la dalle du davied par le poids de celle-ci.
Un panneau d’information renseigne le randonneur sur le travail des goémoniers en ces lieux.
Ces reliques du passé sont émouvantes, car elles témoignent – pour combien de temps encore ? – des métiers qui permettaient aux habitants du littoral se subvenir à leurs besoins en exploitant les ressources de la mer malgré la difficulté d’accès. Aujourd’hui, le pays d’Iroise est toujours un des plus importants producteurs d’algues mais la récolte se fait dorénavant avec des bateaux équipés de “scoubidous”, principalement au large de Lanildut.
La récolte des algues est de plus un souvenir d’enfance car, pendant nos vacances à l’île Callot il y a plus de cinquante ans, nous allions ramasser le “lichen” lors des grandes marées basses pour donner un coup de main à nos hôtes agriculteurs-pêcheurs-cueilleurs. Pas de davied ni de falaises à franchir, nous accédions directement à l’entrant. Que de souvenirs !
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