C’est à une rétrospective de l’œuvre de Léonard de Vinci que Le Louvre nous convie à l’occasion des 500 ans de la mort du grand maître de la Renaissance italienne. D’où le titre : de Vinci (lieu de naissance de Léonard) au Louvre (la France où il est mort et célébré).
Comme tout ce qui touche à Léonard, et à mon humble avis de manière un peu exagérée, cette exposition déplace les foules et oblige le musée à mettre en place, à nouveau, un système de réservation obligatoire.
À l’opposé de l’ambiance bien calme de la collection Horace His de la Salle, nous tombons ici dans une cohue assez désagréable qui gâche carrément la visite. L’un des protagonistes de la Lutte pour l’étendard, dessiné vers 1504 par Léonard et placé en exergue de cet article semble nous dire : “Eh ! ne poussez pas derrière !”.
Heureusement qu’on peut continuer à admirer La Belle Ferronnière en dehors de l’exposition … Sauf La Joconde qui reste bien au chaud dans la Salle des États, les 4 autres tableaux de Léonard que le Louvre possède ont descendu trois niveaux pour venir ici.
La parcours est organisé en quatre étapes dont les descriptions me plongent parfois dans une grande perplexité. Sans doute suis-je un peu basique, je n’ai pas nettement perçu la logique du découpage de l’exposition et pas toujours compris le galimatias des panneaux d’information.
OMBRE, LUMIÈRE, RELIEF
Dans cette étape, on accompagne le jeune Léonard à Florence quand il fut, dès 1464, l’élève de l’un des plus grands sculpteurs du quinzième siècle : Andrea del Verrocchio. Il y apprit non seulement le caractère sculptural de la forme, mais encore le mouvement, principe du réel et fondement de tout récit, ainsi que le clair-obscur, l’expression du drame par le jeu de l’ombre et de la lumière. Le Christ et saint Thomas, bronze monumental fondu par Verrocchio pour l’église florentine d’Orsanmichele, fut son école. De cette conception profondément picturale de la sculpture – Verrocchio s’essaya d’ailleurs lui-même à la peinture –, Léonard a tiré le premier fondement de son propre univers : l’idée que l’espace et la forme sont engendrés par la lumière et qu’ils n’ont d’autre réalité que celle de l’ombre et de la lumière. Les Draperies monochromes sur toile de lin, peintes d’après des reliefs de terre recouverts de drap imprégnés d’argile, semblables à ceux que Verrocchio conçut pour l’étude des figures d’Orsanmichele, sont nées de cette appréhension sans précédent de la matière spatiale.
Le passage de la sculpture à la peinture, favorisé par l’intérêt que Léonard portait, au même moment, aux créations de l’atelier rival des Pollaiuolo comme à la nouveauté apportée à Florence par la peinture flamande – portrait de troisquarts et technique de l’huile –, s’accomplit dans l’Annonciation, la Madone à l’oeillet et le portrait de la Ginevra de’Benci.
C’est un peu étonnant de démarrer l’exposition avec tous ces tableaux de draperie, dont beaucoup ne sont même pas de Léonard de Vinci. Vers la fin de cette étape, on est invité à s’intéresser à des réflectographies infrarouges, destinées à nous montrer comment il travaillait. Bof ! Intérêt médiocre.
LIBERTÉ
Liberté, cela signifie sans doute que Léonard va gagner son indépendance et développer sa propre créativité. D’ailleurs, en 1482, il va rejoindre Milan au service du régent du Duché, Ludovic Sforza, jusqu’en 1499 où les troupes du roi de France Louis XII prennent possession de la ville.
Autour de 1478, Léonard trouve les voies d’un nouvel approfondissement de la leçon de Verrocchio. La forme n’étant qu’une illusion que le monde, dans sa perpétuelle mobilité, ne cesse d’arracher à elle-même, le peintre ne peut en saisir la vérité que par une liberté de l’esprit et de la main capable de nier la perfection de la forme. Cette négation, dans le dessin, est un assaut violent contre la forme, une juxtaposition immédiate d’états incompatibles qui ne laisse parfois rien subsister que le noir. Léonard nomme cette manière, née de la nécessité impérieuse de traduire le mouvement, « composition inculte » – componimento inculto. La Madone au chat ou la Madone aux fruits en sont les premières manifestations éclatantes.
La liberté du componimento inculto transfigure l’univers du peintre. La réflectographie de l’Adoration des Mages révèle un dessin tumultueux, au charbon de bois et au pinceau, caractérisé par l’énergie du trait et le chaos des lavis, les perpétuelles reprises et la superposition indéfinie des idées, repentirs qui plongent les protagonistes de l’histoire dans une nuit agitée et confuse. Inhérente à cette liberté créatrice, se fait jour la tendance à l’inachèvement, destinée à devenir l’une des marques de la peinture de Léonard, et dont le Saint Jérôme est le pathétique témoignage. Cette phase créatrice se prolonge à Milan, où Léonard s’établit vers 1482. Il y peint la Vierge aux rochers, le Musicien et la Belle Ferronnière.
Encore un peu de réflectographies infrarouges exposées, mais je vous en fais grâce.
SCIENCE
On passe ensuite à la section où sont exposés un grand nombre de dessins de Léonard, inspirés par ses recherches scientifiques, en astronomie, physique, chimie, botanique, médecine, etc. Un vrai polymathe !
C’est beaucoup mieux écrit ci-dessous.
Dessiner, lorsque l’on est doué d’une vision analytique passant toutes les normes, c’est non seulement reproduire des formes, mais c’est encore exprimer des relations entre les formes, ou, pour le dire autrement, c’est penser. Chez Léonard, cette intelligence est consciente d’elle-même et s’accompagne d’un questionnement perpétuel sur le monde, d’un désir insatiable de comprendre qui se mue progressivement en volonté de démonstration puis en une enquête systématique portant sur tous les aspects de l’univers physique. Se constitue de la sorte un répertoire infini d’observations, de recherches, d’expériences, de réflexions, de théories, mêlant étroitement l’écriture et le dessin, souvent errantes et imparfaites, mais dont la somme constitue l’un des plus fascinants chapitres de l’histoire de la philosophie naturelle.
Si toutes les disciplines sont ainsi convoquées en vue d’une connaissance intégrale de l’univers, c’est que la considération des apparences ne suffit plus à Léonard et qu’il lui faut, afin de traduire la vérité des apparences, connaître l’intériorité des phénomènes, les lois qui les gouvernent et dont il affirmera, dans le sillage de Pythagore et de Platon, qu’elles sont de nature fondamentalement mathématique.
J’ai inversé horizontalement le dessin de droite ci-dessus, les textes manuscrits paraissent normaux, écrits de la gauche vers la droite. Léonard avait l’habitude d’écrire en miroir de la droite vers la gauche, comme sur le dessin de gauche.
VIE
Pour décrire cette étape, je crois que l’auteur avait du fumer un peu de moquette …
L’exigence scientifique absolue de Léonard, dispersée à travers tous les champs de la connaissance, a engendré un labyrinthe infini, dans les miroitements et les scintillements duquel le peintre semble s’être finalement perdu. Mais cette disparition n’est qu’apparente, et la science elle-même n’est pas autre chose que la forme, nécessaire, que revêt la liberté du peintre, maître de l’ombre, de la lumière, de l’espace et du mouvement. Dans la peinture, la sauvagerie du componimento inculto est devenue le passage des formes l’une dans l’autre, l’extinction de toute limite qu’autorise le medium révolutionnaire de l’huile – le sfumato. La liberté, ainsi accomplie dans l’élément des sciences de la nature, élève la peinture à la hauteur d’une science divine, capable de recréer le monde, et dont le couronnement est l’expression du mouvement, vérité de tous les êtres, chez ceux dont il est la propriété immanente : les vivants.
Léonard est de retour à Florence en 1500, c’est le temps de la Cène, de la Sainte Anne, de la Joconde, de la Bataille d’Anghiari, du Salvator Mundi et du Saint Jean Baptiste, le moment inaugural de l’art moderne.
Le tableau de la Cène ci-dessous n’est bien entendu pas de Léonard puisque l’original est une peinture murale à la détrempe réalisée de 1495 à 1498 pour le réfectoire d’un couvent dominicain à Milan.
La Rome de Léon X (Jean de Médicis dans le civil) n’avait d’yeux que pour Michel-Ange et Raphaël. À l’automne 1516, Léonard partit pour la France invité par François Ier qui l’installa au Clos-Lucé près du château royal d’Amboise. Il y mourut le 2 mai 1519.
Pour en savoir plus :
- le dossier de presse de l’exposition
- la présentation de l’exposition :
1 commentaire
Matatoune · 18 janvier 2020 à 7 h 21 min
Merci pour cette présentation. J’avoue que la foule, le système de réservation et d’autres choses vont certainement m’empêcher de voir cette expo. Tant pis !