“La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre” disait Yves Lacoste en critiquant de manière virulente la conception simpliste de la “géographie-spectacle” ou de la “géographie des professeurs” qui gomme sa dimension (géo)politique.
Ce coup de gueule du géographe rappelle cependant, de manière ironique, que beaucoup de productions cartographiques et topographiques anciennes sont issues des archives des ministères de la guerre, de la défense ou des armées, parce qu’il faut bien connaître le terrain pour le démolir plus efficacement.
Une recherche dans Gallica sur le terme de “topographie” et plus particulièrement de “topographie militaire” permet d’accéder à des documents très intéressants. Je m’y suis laissé entraîner et je ne peux résister au plaisir de partager les découvertes de ces errances avec vous.
Tout d’abord deux tableaux des signes conventionnels à utiliser par les cartographes dont on admirera l’exhaustivité et le niveau de détail (cliquer une fois sur l’image pour l’ouvrir dans un nouvel onglet, cliquer encore pour ouvrir en grande taille).
Cette rubrique de “topographie militaire” contient ce que l’on peut considérer comme des comptes-rendus de tournées d’inspection réalisées par le marquis de Paulmy lorsqu’il était secrétaire d’État à la guerre de Louis XV. J’ai examiné de plus près les 3 cartes dessinées à l’occasion de sa troisième tournée militaire en Bretagne et Normandie.
On commence par une carte de situation sur laquelle est tracé le parcours de la tournée effectuée en 1754 depuis Paris, via Nantes, Brest, Cherbourg, Honfleur.
La tournée est ensuite déclinée en trois cartes encadrées de dessins décrivant les principaux “points d’intérêt” de la région, sans doute ceux visités par le marquis. Le trait rouge indique le chemin qu’il a parcouru.
Les petits cadres décorant la carte fourmillent de détails. Voici quelques zooms.
Mon attention a été attirée par cette représentation du fort de Bertheaume, dont je vous ai déjà parlé, et du système de nacelle qui permettait d’accéder à l’îlette avant la construction d’une passerelle (qui fut souvent emportée par les vagues).
On trouve des comptes-rendus similaires pour les autres tournées militaires du marquis de Paulmy, je vous montre seulement deux cartes relatant une partie de son périple lorsqu’il se rendit, l’année précédente, en “Guyenne et Gascogne”.
Tout d’abord, sur la côte atlantique : La Rochelle, Île de Ré, Rochefort, Île d’Aix, Oléron, etc
La partie littorale de cette carte mérite un agrandissement.
Ensuite, la partie pyrénéenne de la tournée et sa représentation étonnante des reliefs.
Avant de quitter le marquis, je tiens à signaler que bien qu’issu d’une des grandes familles aristocratiques de notre beau pays, il n’en était pas moins un type bien. Sans aucun doute grand serviteur de l’État quand d’autres se contentent de recueillir les honneurs et se remplir les poches (comment ça, ça n’a pas beaucoup changé !), il a aussi été un protecteur des Philosophes. Il se vit dédier par Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert l’Encyclopédie des sciences, des arts et des métiers. Il fut nommé membre honoraire de l’Académie des sciences en 1726 et de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1748.
D’autres cartes topographiques plus ou moins de la même époque méritent le détour et certaines proviennent de la “collection du marquis de Paulmy”. Ci-dessous, quelques cartes de Brest, de l’île de Ré (attention, sur cette carte, le nord est en bas) et Marseille.
Si toutes ces cartes sont d’une grande précision (en plus d’être belles) en fonction des connaissances de l’époque, il y a cependant quelques autres exemples qui contredisent cette impression.
Cette carte de France me paraît bien approximative, mais son objectif était sans doute plus dans le schéma des liaisons entre villes avec l’indication des distances que dans une précision topographique.
Et pour finir, voici trois exemples de dessins de la Bretagne assez étonnants (le premier est un agrandissement de la carte de France ci-dessus).
Un autre exemple de carte mettant l’accent sur les distances plus que sur le tracé des côtes.
Troisième exemple, il s’agit d’un agrandissement de la première carte de cet article, celle de situation de la tournée du marquis. Cette approximation dans le tracé est d’autant plus étonnante que les autres documents de la même tournée sont d’une belle précision. Aurait-on confié la carte de situation à un stagiaire ?
Voila, fin de ce périple virtuel dans les collections topographiques de Gallica. Si vous souhaitez en voir plus, cliquez sur ce lien conduisant aux résultats de la requête sur les cartes de la topographie militaire.
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