L’Autre et l’Ailleurs dans les peintures des lointains

Le musée du quai Branly propose actuellement une exposition très intéressante sur les Peintures des lointains, qui met en lumière les peintures conservées par le musée et rarement montrées. Cet intitulé, Peintures des lointains, est joliment complété dans la brochure de présentation qui explique que cette collection raconte l’histoire de la rencontre de l’Autre et de l’Ailleurs tout autant que l’évolution du regard artistique face à l’inconnu.

Marie Caire Tonoir – Tête de femme de Biskra – 1899-1900

La preuve en images.

Ces œuvres, héritées de la période coloniale, ne sont pas exposées habituellement dans les collections permanentes, sans doute par pudeur ou par crainte de faire l’apologie de cette page d’histoire pas très glorieuse. Elles sont, en effet, pour la plupart signées par des artistes occidentaux et couvrent la période allant de la fin du 18ème au milieu du 20ème siècle, en plein expansionnisme colonial européen. Dans un musée consacré aux arts premiers, ça peut faire désordre et ne présenter qu’un lointain rapport avec le thème du musée.

Mais ce qui est montré ici est surtout un beau témoignage sur “nos” artistes de cette époque et sur la manière dont ils ont vu, compris et transmis cet inconnu qui s’ouvrait à eux.

Il y a d’abord les paysages.

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Léon Belly – La Mer morte – 1866

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Prosper Marilhat – Mosquée dans la basse Égypte

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Narcisse Berchère – Oasis arabe -1853 – Honoré Boze – Campement des cavaliers arabes près de Tlemcem, Algérie – 1872

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Ange Supparo – Le Piton des neiges , île de la Réunion – 1915

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Marcel Mouillot – Le cirque de Cilaos

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Marcel Mouillot – Site du volcan à la Réunion – vers 1931

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Jean Baldoui – Le flamboyant, Martinique – 1930

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Édouard Auguste Nousveaux – Cascade de l’île de Principe – 1845

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Eugène Bourgeois – vues du canal de Suez

Puis les scènes de vie, parmi lesquelles les  caravanes occupent une place importante.

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Théodore Frère – Halte de la caravane – 1850-1870

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Lous Dumoulin – Le marché du Zoma à Tananarive – 1913

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Jean Joseph Bellel – Caravane dans les montagnes – 2ème moitié du 19ème siècle

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Eugène Fromentin – Campement arabe – 1850

Musée du quai Branly – Peintures des lointains

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Charles Fouqueray – Le port de Saïgon

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Germain Fabius Brest – Café maure à Alger – vers 1860

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – François Auguste Biard – Deux indiens en pirogue – vers 1860

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Willy Worms – Ambohimanga – vers 1925

Musée du quai Branly – Peintures des lointains Paule Crampel – Scène de fétichisme pour la guérison d’un malade – vers 1890

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Afred Dehodencq – L’exécution de la Juive – vers 1860

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Gaston Parison – Femmes malgaches à leur toilette – années 1930

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Jacques Étienne Victor Arago – Danse des habitants des îles Carolines – 1817-1820

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Joseph Razafintseheno – Six scènes malgaches

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Suzanne Frémont – Chez les Bara

Ensuite les portraits dont certains sont magnifiques.

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Émile Bernard – Ombre et lumière – 1901

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Loius-Robert Bâte – Gamboula / Oubangui-Chari (RCA) – vers 1933

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Ange Tissier – L’Odalisque dit aussi L’Algérienne et son esclave – 1860

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – juliette Delmas – Faritsoangy / Mahafaly – 1935

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Henri Matisse – Tahitiennes – 1930

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – René Piot – Danseuse cambodgienne -1922 – Tempera et feuilles d’or sur bois

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Anonyme – Portrait d’un homme noir – vers 1850

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Georges Catlin – Quatre Ours, chef Mandan, en tenue d’apparat – vers 1846

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Félix Marrant-Boissauveur – Homme marquisien tatoué – vers 1846

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Marc Alfred Chataud – Filles kabyles

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Étienne Dinet – Homme au grand chapeau – 1901

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Alfred de Deken – Chef sénégalais – Début 20ème siècle

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Fernand Lantoine – Duco Sangharé, Peule – Fatou sénégalaise – vers 1936

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Paul Jacoulet – Santiago, jeune indigène de Yap (Ouest Carolines)

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Paul Jacoulet – Vieil Aïno, Chikabumi, Hokkaido, Japon – 9 juin 1950

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Eugène Giraud – Portrait de Charles Giraud – 1842

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Louis Raoelina – Portrait d’un bourgeois malgache – mars 1899

Musée du quai Branly – Peintures des lointains Anonyme (Japon) – Portrait en pied d’un homme européen – 1870-1880

Enfin, il ne faut pas ignorer la communication officielle de l’époque qui voulait mettre en valeur nos armes glorieuses, montrer les “bienfaits” mutuels de la colonisation, les productions locales contre les “apports de la civilisation” ou honorer nos vaillants colonisateurs. On occulte bien entendu dans tout cela les exactions à l’encontre des populations indigènes …

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – attribué à Horace Vernet – Prise de la smala d’Abd el-Kader par le duc d’Aumale – vers 1843

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Charles Giraud – Prise du fort de Fautahua à Tahiti, 17/12/1846 – 1857

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Jeanne Thil -1935 – AOF – Togo – Cameroun

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Georges Michel dit Géo Michel – principales productions d’origine minérale et animale

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Georges Michel dit Géo Michel – principales productions d’origine minérale et animale

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Paul Merwart – Portrait d’André Lebon, ministre des Colonies – Portrait de l’explorateur Émile Gentil

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Savorgnan de Brazza

Musée du quai Branly – Peintures des – Bernard Boutet de Monvel – Portrait de Georges-Marie Haardt – vers 1926

Je terminerai par ce portrait qui me paraît le plus étrange, celui du docteur Sainte-Rose, dont on ne sait pas trop bien quel sens lui donner.

Musée du quai Branly – Peintures des lointains – Madeleine Luka – Le docteur Sainte-Rose – 1946-1953

Le cartel précise : L’œuvre de Madeleine Luka, souvent qualifiée de naïve, se décompose en grandes périodes stylistiques. En 1949, l’artiste retrouve la maison de son arrière-grand-père, un médecin nommé Suquet Sainte Rose qui a exercé aux Antilles. Madeleine Luka consacre alors une série de toiles à son histoire familiale. Ce tableau appartenant à sa « période des Ancêtres» est exposé en 1955 au Salon des Indépendants. L’artiste complète sa toile avec l’inscription suivante : «L’inoubliable énergie du docteur Sainte-Rose devant les furieux assauts des deux redoutables épidémies lui valent des indigènes le sobriquet du Dr Bronze et aussi leur reconnaissance ». Toile énigmatique, cette représentation sarcastique fut présentée en 1957 dans la section sanitaire du Musée de la France d’Outremer. Image des progrès de la médecine, elle défendait ainsi l’argument civilisationnel.

Comprenne qui pourra. Est-ce un hommage ou une moquerie ? Nous étions dans les années 50, la décolonisation était en vue, à l’issue de la seconde guerre mondiale qui avait profondément changé le regard des peuples “civilisés” sur le reste du monde (et inversement). L’argument civilisationnel justifiant la colonisation devait, à mon avis, avoir un coup dans l’aile …

Cette toile peut finalement servir de conclusion à cette exposition qui nous donne à réfléchir sur notre histoire pas si lointaine.

Le choix des deux indiens en pirogue pour l’affiche de l’exposition me paraît saugrenue et ce n’est bien entendu pas la qualité de l’œuvre que je critique. Mais une telle représentation que l’on pourrait au mieux qualifier de romantique ou au pire d’insultante ne me semble pas digne d’incarner la rencontre avec l’Autre et l’Ailleurs.

Pour en voir plus, ma galerie photos : Peintures des Lointains