Pendant qu’au Louvre, Vermeer écrase de son génie ses colocataires de l’exposition Vermeer et les maîtres de la peinture de genre ainsi que Valentin de Boulogne qui s’échine à réinventer Caravage, il ne faut surtout pas rater, à l’étage au-dessus, l’exposition Dessiner le quotidien – La Hollande du siècle d’or.
Organisée en partenariat avec l’École nationale supérieure des beaux-arts, l’exposition explore le foisonnement des motifs tirés de la vie quotidienne au sein de la production graphique des artistes hollandais du Siècle d’or, qu’ils soient peintres de genre, paysagistes, portraitistes ou même peintres d’histoire.
La sélection d’une centaine de feuilles provenant des collections publiques françaises – Rembrandt, van Goyen, van Ostade ou encore Buytewech – est conçue pour offrir un contrepoint à l’exposition Vermeer, rappelant la grande diversité, mais aussi le caractère nettement codifié des sujets mettant en scène le quotidien hollandais du 17e siècle.
Elle mettra en lumière la complexité de leur rapport au réel, entre observation et reconstruction, impression d’instantané et conventions de représentation.
Ci-dessous une petite sélection de dessins, photographiés par mes soins. La plupart sont annotés avec le contenu du cartel de l’exposition, ce texte apporte rapidement des informations précieuses sur l’oeuvre.
Rembrandt – Jeune femme assise tenant son enfant sur ses genoux – dessin à la plume, encre brune, papier filigrané
Rembrandt – Femme regardant par la fenêtre – 1653-1656 – dessin à la plume, encre brune, lavis brun
La faiseuse de crêpes – Gabriel Metsu – Après ses débuts à Leyde, Metsu s’installe en 1654 à Amsterdam où il se spécialise dans les scènes de genre. Dans un premier temps, il peint surtout des femmes seules, de milieu modeste, absorbées dans leurs tâches ménagères. Proche de ces compositions, cette Faiseuse de crêpes devait apparaître comme un modèle de vertu domestique. L’attribution à Metsu, qui remonte au 18ème siècle, est probable mais reste difficile à confirmer car la comparaison avec les deux seuls dessins qui sont indiscutablement de sa main n’est pas aisée.
Theodor Matham – Scène de bagarre dans une taverne – 1619
Theodor Matham – Hommes réunis près d’une cheminée et joueurs de cartes – 1619 – Plume et encre brune, lavis brun Redécouvertes à l’occasion de cette exposition, les deux feuilles de la collection Saint-Morys sont les premiers dessins connus de Theodor Matham, qu’il exécuta à l’âge de treize ans. L’artiste suit l’enseignement de son père Jacob, qui fut l’élève de Goltzius. Ce dessin s’apparente à une feuille signée deTheodor Matham qui représente également des Joueurs de cartes (autrefois à Brême). On y retrouve de semblables effets de clair-obscur et de contre-jour ainsi qu’une même attention portée à la description de la taverne.
Gerbrand van den Eeckhout – Vue d’un canal avec un chaland amarré – vers 1661-1663 – Pierre noire et aquarelle Marqué par l’enseignement de Rembrandt, Eeckhout s’en démarque parfois par des recherches plus personnelles. En témoigne la série de paysages aquarelles exécutés entre 1661 et 1663, il laquelle appartient ce dessin. La plupart représente des sites identifiables; ici, le clocher rappelle la tour médiévale de l’hôtel de ville de Delft, tandis que les deux tonneliers évoquent la brasserie, une activité traditionnelle de cette cité. La ligne d’horizon basse et le cadrage resserré laissent penser que cette vue découle d’une première étude sur le motif.
GERARD II TER BORCH – Soldats se chauffant au feu – Plume et encre brune, lavis brun sur une esquisse à la pierre noire Contours incisés au stylet pour le transfert Gerard Il ter Borch se forme d’abord à Zwolle auprès de son père, Gerard l, jusqu’en 1632. Ses nombreux dessins de jeunesse – qui ont été religieusement conservés par son père – reflètent l’omniprésence de l’armée dans cette ville de garnison située à la frontière est des Pays-Bas. Exécutée autour de l’âge de treize ans, cette feuille représente un corps de garde, où des cavaliers fument et se réchauffent autour d’un feu. I’artiste maîtrise déjà les effets de clair-obscur et de contre-jour qu’il emploiera par la suite dans ses scènes nocturnes.
Willem I van de Velde – Groupe de pêcheurs sur la plage – Plume et encre brun foncé, lavis gris, sur une esquisse au graphite Peintre officiel de la marine hollandaise, Willem 1 van de Velde eut maintes fois l’occasion d’observer les activités des pêcheurs lorsqu’il étudiait, sur la plage, les bateaux dont il devait peindre le portrait. Ce dessin appartient à un ensemble d’une trentaine de feuilles qui mettent en scène le retour des pêcheurs des flots. On comprend bien, malgré des personnages schématisés et situés dans un espace indéfini, que le moment saisi ici est celui du repos qui suit le tri et la vente des poissons.
Esaias van de Velde – Marins au bord de la mer – 1628 – Pierre noire – A la fin des années 1620, Esaias van de Velde atteint le sommet de son œuvre dessiné avec une importante production de feuilles autonomes destinées au marché de l’art, à laquelle appartient ce dessin. Rarement traités par l’artiste, les paysages côtiers font partie des nouveaux sujets qu’il introduit après son installation à La Haye en 1618. Ce dessin, à la frontière entre le paysage et la scène de genre, témoigne de son intérêt pour cette dernière dans ses dessins datés de 1628 et de 1629.
Adriaen van Ostade – Joueurs de cornemuse et de vielle devant une ferme – 1672 -Plume et encre brune, lavis gris, aquarelle et gouache sur une esquisse à la pierre noire . À la fin de sa vie, Adriaen van Ostade se spécialise dans la production d’aquarelles gouachées aux couleurs raffinées, très finies, signées et bien souvent datées. Conçues comme de véritables petits tableaux, elles étaient destinées au marché de l’art. L’artiste a maintes fois traité le thème des musiciens itinérants. Dans son œuvre tardif, il n’insiste pas sur leur caractère inquiétant mais plutôt sur la joie de ce divertissement offert aux enfants, livrant une vision tendre et pacifiée de la vie paysanne.
Willem de Heer – Bohémiens lors d’une fête villageoise – Plume et encre brune sur vélin En marge de la fête villageoise, une famille prend son repas aux côtés d’un joueur de cornemuse, tandis qu’à l’arrière-plan on aperçoit une diseuse de bonne aventure, un charlatan et des danseurs qui tournent autour de l’arbre de mai. Certains personnages, enveloppés d’amples capes et coiffés de chapeaux ou de fichus, sont de toute évidence des bohemiens. Willem de Heer reprend la composition gravée à l’eau-forte par son père (Fig.) dans ce dessin destiné à la vente, exécuté avec une grande minutie sur un matériau luxueux, le vélin.
Adriaen van Ostade – Cuisine en sous-sol – 1673 – Plume et encre brune, aquarelle et gouache Cette aquarelle est la seule œuvre de l’exposition à ne pas provenir d’une collection publique française, mais de la célèbre collection Lugt. Cette scène d’intimité familiale auprès de l’âtre, la mère préparant des crêpes tandis que le père file la laine, rappelle les premières œuvres exécutées sur ce thème par Van Ostade à partir de la fin des années 1640. Cependant, l’intérieur décrit ici évoque moins une humble ferme paysanne qu’une charmante maison villageoise: dans son œuvre tardif, l’artiste offre une vision plus idyllique de la vie rurale.
Adrien van Ostade – La faiseuse de crêpes – vers 1673 – Graphite, plume et encre brune Ce dessin est l’étude préparatoire pour l’aquarelle de la fondation Custodia. Les premières recherches de l’artiste, hâtivement mises en place au graphite, sont rarement aussi visibles que dans cette feuille, où ne sont repris à l’encre brune, d’une plume vive et cassante, que les principaux éléments du premier plan. Très peu de dessins comparables à celui-ci nous sont parvenus, sans doute parce que les collectionneurs montraient plus d’intérêt pour les compositions achevées que pour les simples esquisses.
Cornelius Saftleven – Vieille femme assise avec son chien – 1677 – Pierre noire, sanguine et aquarelle Cette feuille fait partie des quatre derniers dessins exécutés par l’artiste peu avant sa mort. Elle témoigne parfaitement de l’évolution du style de Cornelis Saftleven qui, après avoir traité ses personnages uniquement à la pierre noire et à la craie, ajoute désormais de la couleur, au moyen de papiers teintés ou de rehauts d’aquarelle. Contrairement à ce qu’il fait dans la plupart de ses études de figures, il conçoit ici une véritable petite scène de genre où le modèle apparaît dans son cadre quotidien accompagné de son fidèle compagnon.
CORNELIS II VISSCHER – Vieille Femme assise devant son rouet – vers 1651 – Pierre noire sur vélin Cornelis Il Visscher s’est fait une spécialité des dessins à la pierre noire sur vélin, exécutés avec une technique virtuose inspirée de son métier de graveur. Cette paysanne est la reprise, en miroir, de la figure principale de son estampe, La Faiseuse de crêpes. Elle fut probablement dessinée à la demande d’un collectionneur qui appréciait le jeu de contraste entre la rusticité du sujet et le raffinement de la technique. Cette matrone au regard profond atteste le renouveau de la représentation du monde paysan au milieu du siècle.
ADRIAEN VAN OSTADE – Scène d’intérieur avec des paysans jouant aux cartes – Plume et encre brune et noire, lavis brun, sur une esquisse au graphite Adriaen van Ostade dessina de nombreuses feuilles autonomes, sans lien avec la préparation d’une autre œuvre, à la plume et au lavis sur une esquisse au graphite. Les quatre paysans assemblés autour d’une table jouent aux cartes tout en buvant et en fumant. Ces plaisirs coupables et délétères nous amènent à identifier cet espace comme un coin de taverne ou d’auberge. Les motifs du lit placé dans une alcôve et du tableau de paysage accroché au mur se retrouvent dans d’autres scènes d’auberges peintes, dessinées et gravées parVan Ostade.
ISAAC VAN OSTADE – Scene de cabaret : ménétrier faisant danser un paysan – vers 1644 – Plume et encre brune, lavis brun et gris sur une esquisse à la pierre noire. Isaac van Ostade puise dans le répertoire de son frère aîné Adriaen des scènes d’auberqe, où des paysans dansent et s’adonnent à la boisson, au tabac et au jeu. Il rivalise avec lui dans la description de ces intérieurs décorés de vaisselle, de paniers, d’outils, mais aussi de tableaux, lesquels étaient désormais accessibles aux. paysans les plus fortunés. Le remarquable effet de contre-jour est obtenu au moyen de larges plages de lavis brun, caractéristiques de la manière plus picturale d’Isaac van Ostade.
ADRIAEN VAN OSTADE – Une cour d’auberge – 1674 – Plume et encre noire, aquarelle et gouache Cette aquarelle est caractéristique de la production tardive d’Adriaen van Ostade, qui tend à idéaliser la vie rurale. Certes, les paysans s’adonnent toujours aux mêmes vices, qui déforment leurs traits au point de devenir caricaturaux : les nez bulbeux étaient associés, dans les traités de physiognomonie de l’époque, à l’excès d’alcool et de tabac. Mais les scènes crues et agitées des débuts, contenues dans des intérieurs exiqus, ont cédé la place à de paisibles assemblées qui goûtent à l’extérieur une certaine douceur de vivre.
Cornelis Dusart – Homme tenant une cruche et buvant un verre gradué – Pierre noire et sanguine. Les nombreuses études de figures dessinées par Dusart aux trois crayons, parfois rehaussés d’aquarelle, sur des papiers bleus ou blancs, sont le fruit d’un travail effectué en atelier, devant le modèle vivant. Isolés de tout contexte, les personnages posent dans l’attitude souhaitée par le peintre, dans le but de dresser une sorte de typologie des poses, où la gestuelle et l’expression théâtrale confinent parfois au grotesque. Ce paysan buvant dans un verre gradué apparaît dans une aquarelle de Dusart datée de 1689.
Cornelis Dusart – Joueurs de quilles – 1688 – Pierre noire et lavis gris sur velin. Derrière les joueurs de quille, on reconnaît les motifs traditionnels de la kermesse, hérités de Brueghel : danseurs autour du ménétrier, paysans attablés, couples d’amoureux … Dusart se distingue de son maître Van Ostade par les silhouettes plus élancées et les attitudes plus outrancières de ses personnages .. Datée de 1688, cette feuille reprend fidèlement la composition d’un tableau de l’artiste peint trois ans plus tôt, Elle correspond manifestement à la commande d’un amateur qui souhaitait en conserver une réplique sur vélin,.
Il y a beaucoup d’autres dessins, il ne faut pas hésiter à aller voir, l’exposition dure jusqu’au mois de juin.
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