Passer quelques jours sur une île est toujours dépaysant, surtout si cette île est petite et a gardé son caractère insulaire. Après l’île de Ré, l’île d’Aix, Belle-Île-en-Mer, l’île de Noirmoutier, nous voila décidés à prendre le large vers une île bretonne solidement ancrée à une encablure du littoral, l’île de Groix.
Trois heures de TGV nous mènent directement à Lorient, ville à l’architecture assez inintéressante datant de la Reconstruction (Brest, Le Havre, Maubeuge, on pense aussi à vous, villes martyres de la folie humaine). Météo France nous a promis, depuis quinze jours, une semaine de pluies continues mais la Bretagne ça se mérite et, ici, elle ne mouille que les c… .
Île de Groix
Sous un ciel effectivement un peu menaçant, nous attendons le bateau à la gare maritime. Puis c’est l’île de Groix qui nous accueille après une courte traversée au cours de laquelle on découvre la “Base” des sous-marins datant de la Seconde Guerre Mondiale et la citadelle de Port-Louis datant du 18e siècle (nous y reviendrons). Le traversier arrive au port de Port-Tudy après une croisière de 45 minutes.
Les parages maritimes de Groix sont réputés dangereux comme l’atteste une version d’un dicton marin :
« Qui voit Ouessant voit son sang,
Qui voit Molène voit sa peine,
Qui voit Sein voit sa fin,
Qui voit Groix voit sa croix. »
Cependant, pour les navires de guerre qui partent de Brest, la maxime devient plus optimiste :
« Qui voit Ouessant voit son sang.
Qui voit Sein voit sa fin.
Qui voit Groix voit sa joie.
Qui voit Belle-Île cingle sans péril. »
Vous savez maintenant d’où vient le titre de cet article, j’ai retenu la déclinaison optimiste du dicton car nous avons eu un temps tout à fait sympathique, où le soleil nous a accompagnés la plupart du temps et nous a valu les premiers érythèmes actiniques de la saison. Il a certainement plu, mais ailleurs !
Tout près de la jetée qui protège le port, nous atteignons rapidement notre hôtel du même nom. Le temps de déposer nos affaires et de nous imprégner des multiples avertissements et interdictions affichées ça et là par la propriétaire (bon retour en maternelle), nous partons à la découverte de Port-Tudy puis à celle du Bourg que l’on atteint après une petite grimpette.
Petit tour dans le bourg, très vivant avec pas mal de commerces, de bistrots, de restaurants. Pour une semaine de mai sans jour férié ou pont, il règne une belle animation. Nous finirons par nous poser au Bistrot Bao dirigé par une équipe très dynamique qui propose des menus à base de produits de la mer mais aussi de viandes locales. Nous faisons, entre autres, connaissance avec les moules de Groix. Halte très agréable.
Comme vous pouvez le constater ci-dessus, la girouette au sommet du clocher de l’église Saint-Tudy est un thon, insularité oblige ! Nous revenons à Port-Tudy par un sentier piéton qui nous fait déboucher juste au-dessus de l’hôtel.
Le lendemain, le temps est toujours un peu menaçant mais nous avons décidé de louer deux vélos à assistance électrique pour parcourir l’île en toute sérénité. Quelques gouttes nous tombent dessus avant d’arriver au bourg, ce seront les seules car le soleil se montrera plutôt généreux aujourd’hui. Sandwichs et eau gazeuse dans les sacs, nous partons pour notre périple.
Nous effectuons le tour de l’île, soit une trentaine de kilomètres, en un peu moins de six heures, c’est vous dire si la moyenne a été maîtrisée. Nous l’effectuons dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, en passant successivement par le petit port de Port-Lay, le monument en hommage à Jean-Pierre Calloc’h, le barde Bleimor né sur l’île et mort sur le front de la Somme en 1917, la chapelle saint-Léonard à Quelhuit, puis l’extrémité ouest avec le phare de Pen Men et la réserve naturelle ornithologique. Les paysages sont sublimes et si certains chemins sont parfois caillouteux ou boueux, la balade est très facile et agréable, les vélos sont efficaces et presque confortables.
Le balisage des circuits cyclables est bien fait : plusieurs parcours thématiques sont tracés et chaque carrefour est identifié avec un numéro unique. On trouve à chaque intersection un potelet indiquant son numéro ainsi que la direction et le numéro des deux intersections voisines. Avec le plan papier fourni, on peut “sauter” d’un numéro à l’autre sans risque de confusion et sans être tenu de suivre l’un ou l’autre des circuits. Très efficace !
Depuis la pointe de Pen Men, nous prenons la direction du sud-est et passant par le hameau de Kerlard qui a conservé certains de ses habitats traditionnels, des petites maisons de pêcheurs. Nous pique-niquons non loin de Port Nicolas avant de faire halte au Trou de l’Enfer, entaille impressionnante découpée par la mer dans la falaise, qui, paraît-il, engendre une sorte de “souffleur” lors des tempêtes. Mais le vent souffle modérément aujourd’hui et nous devons nous contenter d’une vue extraordinaire.
L’île offre un paysage contrasté entre l’ouest, caractérisé par de hautes falaises comme ici au trou de l’Enfer ou celles de Pen Men entaillées de vallons profondément encaissés, et l’est, caractérisé par des falaises basses, des plages et un large platier rocheux, comme celui du port de Locmaria dont nous approchons maintenant.
Locmaria est le deuxième village de l’île après le bourg et le premier établissement portuaire de l’île historiquement parlant. Nous faisons une halte devant un tumulus abritant les vestiges d’un tombeau viking, avant de poursuivre jusqu’à la pointe sud-est de l’île à la pointe des Chats. On découvre ici un aspect étonnant de l’île de Groix, sa richesse minérale. Groix recèle en effet des particularités géologiques d’un tel intérêt qu’une réserve naturelle géologique a été créée, en 1982, vaste de 98 hectares, entre Locmaria et la pointe des Chats : l’île possède plus de 60 espèces minérales, dont le très rare glaucophane bleu, qui affleure ici à l’air libre, l’épidote et le grenat.
Nous faisons une petite balade autour du phare des Chats qui balise le sud-est de Groix puis poursuivons notre route vers la plage des Sables-Rouges où l’on peut constater visuellement la richesse du sol en grenat.
Petite pause sur la plage bien protégée du vent de sud-ouest, les nuages sont toujours présents mais c’est le soleil qui l’emporte. Nous sommes maintenant sur la côte est de Groix, la plus abritée et présentant les plages les plus étendues (et sans doute les plus fréquentées en été). Notamment l’étonnante plage des Grands-Sables, très longue et convexe, marque la point le plus à l’est de l’île, quel contraste avec les falaises de Pen Men !
Nous faisons halte au hameau du Méné et à sa chapelle Notre-Dame-du-Calme (ça ne s’invente pas), puis un détour par la surprenante auberge de jeunesse établie dans une série de blockhaus le long de la côte nord.
Retour à Port-Tudy, pause à l’hôtel où nous constatons l’étendue des coups de soleil reçus pendant cette balade. Nous rendons les vélos, allons diner chez les Garçons du Port, la brasserie incontournable de Port-Tudy.
Le lendemain matin, après avoir un peu traîné à la terrasse voisine de l’hôtel et envoyé nos traditionnelles cartes postales, nous embarquons pour rejoindre Lorient.
Lorient
C’est la pluie qui nous accueille à Lorient mais cette averse sera la seule jusqu’à notre départ. Bon ! sans doute un coup de Météo France qui tenait à avoir raison … L’hôtel que nous avons retenu est tout proche, nous nous y installons après avoir dégusté deux crêpes à la Boîte à Crêpes sur le port (déçus par le caramel beurre salé maison qui ne ressemble à rien).
Nous sommes en début d’après-midi, nous prenons le bus pour aller jusqu’à Lorient – La Base, ancienne base des sous-marins construite par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et composée de trois bunkers, Keroman I, II et III, de deux Dom-Bunkers (bunkers cathédrales) situés dans l’espace du port de pêche de Keroman. Depuis la fin des années 1990, abandonné par la Royale, le site est reconverti en un pôle nautique spécialisé dans la plaisance et la course au large. Il accueille un centre d’affaires tourné vers le monde maritime, un musée aménagé dans le sous-marin Flore, ainsi que la Cité de la voile Éric Tabarly.
Les bunkers ont conservé leur laideur initiale, ce site ne me laissera pas un souvenir inoubliable, même s’il est certainement très prisé des amoureux de la voile. Nous reprenons le bus pour revenir vers le centre et nous balader du côté de l’enclos du port, ancien enclos de la Compagnie des Indes, au pied de la Tour de la Découverte.
Plus tard dans la soirée, nous dînons à la Tavarn Ar Roue Morvan (Taverne du roi Morvan), chaudement recommandée par le Routard et pour lequel nous avons un coup de cœur : on y boit, on y mange, on y danse et on y chante ! Située sur une petite place arborée, elle propose des boissons et des plats à des prix très doux, dans une ambiance bon enfant qui nous plait immédiatement.
Port-Louis
Le lendemain, direction la rive opposée de la rade, plus précisément à Port-Louis, cité ayant conservé un centre ancien et une citadelle militaire. En quelques dizaines de minutes, le bus et le batobus nous y amènent. Dans l’agglomération de Lorient, le réseau de transports en commun est très bien fait : les batobus complètent en mer le maillage terrestre du réseau de bus et permettent d’atteindre toutes les villes de la rade en peu de temps et pour le prix d’un simple billet.
Nous débarquons au petit port de pêche au pied des remparts ceinturant la ville ancienne de Port-Louis. Nous faisons un petit tour dans les rues assez commerçantes et nous dirigeons vers la citadelle qui abrite le musée de la Compagnie des Indes et celui de la Marine.
La citadelle en elle-même vaut le détour car elle est dans un excellent état de conservation. Elle n’est pas due au talent de Vauban comme on pourrait le croire car elle date du règne de Louis XIII, donc antérieur au célèbre architecte militaire. Elle fut construite à l’emplacement d’une précédente forteresse bâtie par les Espagnols pendant les guerres de la Ligue. Le musée de la Compagnie des Indes nous intéresse aussi car il est assez renommé. Il faudrait dire LES Compagnies des Indes car plusieurs compagnies françaises se sont succédé au cours des 17e et 18e siècle dont certaines ont fait faillite. Le musée raconte leur histoire, décrit les moyens mis en œuvre pour exploiter au “mieux” les contrées lointaines (dont beaucoup de superbes maquettes de navires) et expose beaucoup d’objets ramenés lors des expéditions commerciales, sans cacher son implication dans le commerce “triangulaire” et sa participation à la traite négrière.
De l’autre côté de la place d’armes, le musée de la Marine de Port-Louis (antenne de celui de Paris) présente une exposition sur les naufrages et une autre sur l’archéologie sous-marine.
La culture et l’histoire, c’est bien beau mais il commence à faire faim. Nous quittons la citadelle et revenons vers la ville où nous cédons aux crêpes (excellentes) de la Reine Suzette sur la Grande Rue. Avant de reprendre le bateau pour revenir à Lorient, nous faisons une balade digestive sur la promenade du Lohic, au pied des remparts sud de Port-Louis, face à la petite ville de Gâvres sur l’autre rive de la “petite mer”, surnom donné à la baie de Locmalo.
Retour à Lorient par le batobus et le bus. Ce soir, nous allons dîner à l’Alsace à quai, résultat fort honorable de l’alliance géographiquement hasardeuse mais gastronomiquement réussie d’une Alsacienne et d’un Breton (ou l’inverse). Les flammenkueches étaient bien copieuses.
Le lendemain, nous récupérons de notre fatigue avant de quitter l’hôtel en fin de matinée et de retourner à la Tavarn Ar Roue Morvan pour déjeuner. Cette adresse est vraiment à conseiller.
Retour à Paris dans un TGV presque vide, ce qui clôture agréablement ces cinq journées fort bien remplies dont Groix et Port-Louis sont certainement les moments les plus marquants.
Pour voir plus de photos, vous pouvez visiter mon album photo consacré à ce périple.
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