La montagne
Pour les Parisiens, la montagne Sainte-Geneviève atteint des sommets aussi historiquement et culturellement élevés qu’ils sont topographiquement insignifiants. Une trentaine de mètres de dénivelée sépare le sommet de la montagne du niveau de la Seine à 700 mètres de distance.
Mais cette dénivelée est très symbolique puisque Geneviève de Paris, grande copine de Clovis et de Clothilde, avait l’habitude la gravir pour faire ses dévotions au calme, loin de la cité fourmillante, en étant ainsi plus près du Créateur. Je vous parle de la seconde moitié du 5e siècle.
Cédant à la pression amicale de Geneviève et Clothilde, Clovis, récemment converti, fait construire en ce lieu une église où ils seront tous les trois ensevelis et qui deviendra progressivement l’abbaye Sainte-Geneviève. Au début, une petite chapelle dans la crypte est affectée à la paroisse du secteur, mais pour répondre au développement urbain du quartier, il est décidé de construire une église paroissiale autonome, accolée à l’abbatiale de Sainte -Geneviève comme le montre le plan et l’illustration ci-dessous. Cette église est dénommée Saint-Étienne-du-Mont, en hommage au diacre et martyr Étienne et en référence à sa situation au sommet de la montagne.
Je passe sur les différents épisodes historiques qui vont faire évoluer les lieux pour arriver au 18e siècle où, paradoxalement, c’est l’église qui prend le pas sur l’abbatiale à tel point que celle-ci, quasiment en ruines, est démolie en 1801 pour faire place à la rue Clovis. Seule subsiste la tour de son clocher que l’on dénomme aujourd’hui la Tour Clovis. Les bâtiments conventuels sont en partie conservés et deviennent le lycée Napoléon qui devient lui-même le lycée Henri IV quelques années plus tard.
En même temps, il est décidé la construction d’une nouvelle abbatiale monumentale de style néo-classique toujours consacrée à Sainte-Geneviève et destinée à accueillir son tombeau. Mais cet édifice religieux sera transformé par les avatars de l’histoire en un mausolée laïc rendant hommage “aux Grands Hommes par la Patrie reconnaissante”, le Panthéon. Hormis ce changement d’affectation, la Révolution a plutôt épargné l’ensemble.
Ce qui nous donne ci-dessous le contexte actuel de la Montagne Sainte-Geneviève.
Sur la droite, la magnifique bibliothèque Sainte-Geneviève est un édifice construit en 1851 pour remplacer la bibliothèque de l’abbaye sauvegardée des tourments révolutionnaires et qui se trouvait très à l’étroit au dernier étage du nouveau lycée.
L’église
Comme on l’a vu, la première église paroissiale fut édifiée au 13e siècle : il n’en reste plus rien. Devenue à son tour insuffisante, elle fut remplacée par l’actuel édifice construit de la fin du 15e siècle à 1626, toujours accolée à sa voisine, l’abbatiale Sainte-Geneviève. Entourée de lycées, d’universités ou d’institutions et d’édifices culturels, elle demeure « la plus vaste paroisse de l’Université ».
Architecture (panneau d’information dans l’église)
Édifiée de 1492 à 1626, Saint-Étienne-du-Mont marque la transition entre la dernière période de style gothique « flamboyant » et la Renaissance dont l’influence se fait sentir au fur et à mesure de sa construction, du chœur à la façade.
Le « jubé », construit vers 1540, est le seul subsistant à Paris. Ce balcon de pierre séparait le chœur où se trouvait le clergé, de la nef où se tenaient les fidèles. Il servait à la proclamation de l’Évangile. Il a la forme d’un arc de triomphe à la décoration fouillée. On ne sait exactement quel fut son constructeur.
La façade, remarquable composition de style Renaissance, construite à partir de 1610, est formée de plusieurs frontons antiques superposés. Toute la sculpture détruite à la Révolution a été refaite au 19e siècle.
La clé de voûte flamboyante, ornée des symboles des quatre évangélistes, retombe de plus de 5 m, au milieu d’un ensemble complexe de nervures. À son extrémité, des angelots portent l’Agneau de Dieu avec l’étendard du Christ.
Les vitraux constituent un des plus beaux ensembles Renaissance de Paris. Les grands vitraux du chœur et de la nef datent du XVIe siècle on y reconnaît entre autres, la Pentecôte, l’histoire de la Vierge, la vie de saint Étienne, la parabole des talents. Quant à ceux du cloître (aussi appelé le charnier), plus intimes, ils datent du début du XVIIe siècle : l’arche de Noé, le Pressoir Mystique, la visite des anges à Abraham sont les plus remarquables.
L’orgue, dont le buffet baroque est le plus ancien de Paris (1633), a eu de grands titulaires parmi lesquels Maurice Duruflé (1930-1986), auteur du Requiem pour soli, chœurs, orchestre et orgue (1947).
La châsse de sainte Geneviève fut profanée durant la Révolution. Les restes du tombeau de la sainte et les reliques furent transférés en 1803 à Saint-Étienne-du-Mont qui, depuis, entretient son culte.
L’église dans son ensemble est une merveille d’architecture dont le joyau est à mon avis le jubé. Petite balade en images.
Personnalités liées à l’église (panneau d’information dans l’église)
Le patron de l’église, saint Étienne, se met au service (diacre) des apôtres. D’un zèle enflammé, il rend témoignage à la Seigneurie de Jésus ressuscité. Traduit devant le sanhédrin puis lapidé, il devint ainsi le protomartyr (premier martyr).
Sainte Geneviève : née vers 420, est consacrée à Dieu par saint Germain dès son enfance. Elle s’installe à Paris dont elle assure la protection au moment de l’invasion des Huns (NDLR : il n’est pas certain qu’Attila voulait prendre Paris, il était plus intéressé par l’Aquitaine, elle a surtout empêché les Parisiens de risquer leur vie en fuyant). Elle est l’intermédiaire entre le pouvoir gallo-romain et les tribus barbares qui dominent la Gaule. Elle contribue à la conversion au christianisme de leur roi Clovis, et fonde le culte de saint Denis. Elle meurt en 502, entourée de tout un peuple. Depuis, elle est la patronne de Paris. Sa chapelle, de style néogothique, abrite les restes de son sarcophage antique. Les vitraux y racontent sa légende. Sa neuvaine a lieu chaque année du 3 au 11 janvier avec la procession de sa châsse.
Frédéric Ozanam, universitaire catholique a fondé la conférence de Saint-Vincent-de-Paul sur cette paroisse en 1833. Une chapelle dans le chœur rappelle son souvenir. Il a été béatifié lors de la visite du pape Jean-Paul II à Paris en 1997 pour les Journées Mondiales de la Jeunesse.
Le mathématicien, écrivain et philosophe Blaise Pascal a été enterré dans cette église, à l’entrée de la chapelle de la Vierge.
Les restes du dramaturge Jean Racine l’ont rejoint après la destruction de l’abbaye de Port-Royal-des-Champs. Leurs épitaphes (en latin) sont lisibles à côté du jubé.
J’ai trouvé sur le site des bibliothèques spécialisées de la Ville de Paris un recueil iconographique sur cette église, regroupant quelques illustrations de dates diverses. On peut suivre l’évolution de son environnement immédiat jusqu’à l’époque – presque – actuelle.
En voici la première page avec un résumé de l’histoire de l’église.
Ci-dessous le recueil iconographique dans son ensemble sous forme de diaporama.
Si vous souhaitez visiter l’église, faites attention : ses heures d’ouverture au public sont assez réduites, consultez son site web.
1 commentaire
Sur les traces du vieux Paris-4 - DESSIN OU PEINTURE · 5 août 2023 à 22 h 05 min
[…] Ici, le point de vue est plutôt attirant même si en photo les échafaudages le long des maisons en font perdre tout l’intérêt. L’église St-Étienne-du-mont que l’on aperçoit est particulièrement intéressante aussi bien pour son architecture, son jubé unique à Paris et aussi son histoire à découvrir sur le blog de Kermovan.fr. […]