Au milieu du 15e siècle, l’Europe entière découvre une technique de reproduction des livres d’une efficacité inouïe : l’imprimerie. L’exposition de la BnF Imprimer ! L’Europe de Gutenberg revient sur cette innovation parmi les plus marquantes de l’histoire de l’humanité.
Avec près de 280 pièces, elle raconte comment le procédé d’impression à caractères mobiles mis au point par Gutenberg s’est développé en Europe à travers prouesses techniques et expérimentations, bouleversant le marché du livre et la diffusion des savoirs.
À cette occasion sont présentées, pour la première fois simultanément, des pièces exceptionnelles issues des collections de la BnF : le plus ancien bois gravé occidental connu, le Bois Protat, le plus ancien ouvrage conservé au monde imprimé à partir de caractères typographiques métalliques, le Jikji de Corée, et le premier grand imprimé typographique européen : la Bible de Gutenberg.
Gutenberg n’a pas inventé l’imprimerie tout seul dans son coin, frappé par une illumination miraculeuse. Cette invention relève en réalité d’un long processus, l’imprimerie étant apparue de nombreux siècles auparavant en Asie. Même l’utilisation de caractères mobiles métalliques est d’origine coréenne mais on ne sait pas déterminer s’il y a eu réellement transfert de technologie entre l’Asie et l’Europe sur ce sujet.
On peut cependant attribuer à Gutenberg la combinaison de plusieurs techniques déjà existantes et leur perfectionnement : la gravure, la frappe et la fonte du métal pour les caractères mobiles, le transfert d’encre par impression. Par rapport à la complexité des idéogrammes asiatiques, le nombre restreint de caractères de l’alphabet latin sera un élément décisif pour le développement de la nouvelle technologie.
L’exposition nous fait découvrir les temps d’avant l’imprimerie avec le travail des copistes pour la duplication – trop laborieuse – des manuscrits et la production de “multiples” grâce à la xylographie pour les images. On effectue un petit détour par l’Asie pour admirer, entre autres, les produits de la xylographie chinoise et de la typographie coréenne.
La publication de la Bible, en 1455 à Mayence, par Gutenberg a été décisive, cet ouvrage est sans nul doute son chef-d’œuvre et il fut salué immédiatement et universellement comme une immense réussite. Dans l’esprit des intellectuels de la Renaissance, le livre imprimé est une véritable révolution, dont les conséquences sont irréversibles. L’imprimé permet une audience sans précédent et est un accélérateur des grands mouvements qui traversent la Renaissance, comme l’humanisme et aussi la Réforme.
Le parcours nous dirige ensuite vers la reconstitution d’un atelier d’imprimeur du 15e siècle, où une animatrice déroule le processus d’impression avec encrage et mise sous presse.
Assez rapidement, pour ne pas dire immédiatement, les imprimeurs furent confrontés à la nécessité d’améliorer encore leur technique pour reproduire mécaniquement tout ce qu’un livre manuscrit pouvait contenir, enluminures et typographies multicolores, caractères non latins, partitions de musique et surtout l’intégration des images.
En même temps, la typographie se simplifie pour être plus efficace et le livre imprimé ne cherche plus à reproduire systématiquement le style d’écriture du manuscrit.
L’exposition nous montre des exemples des nombreuses expérimentations mises en œuvre face aux difficultés d’ordre technique mais aussi commercial que rencontrèrent les artisans dans un contexte très concurrentiel.
L’usage de l’imprimé se diffuse à grande vitesse dans la société. Un large éventail des productions de l’époque nous est présenté, allant des Écritures saintes aux apprentissages scolaires, de la piété à l’information. Avec la baisse des coûts, de nouveaux publics sont séduits et les imprimeurs multiplient, en langue vernaculaire, des livres répondant aux préoccupations du quotidien : calendriers, cuisine, pharmacopée, littérature, etc.
En conclusion de l’exposition, quelques intellectuels contemporains de Gutenberg témoignent de leur “vertige” face au développement rapide de l’imprimerie et de ses conséquences : la surabondance soudaine de livres ne va-t-elle pas empêcher le lecteur d’aller au fond des choses et le noyer sous des connaissances futiles selon Erasme, une erreur dans un ouvrage de médecine peut-elle tuer aussi surement qu’une arme selon Rabelais, l’auteur peut-il être jugé si une “troupe d’ignorans” fait un mauvais usage de ses écrits selon Henri Estienne ?
Voila des préoccupations que l’on croirait sorties de notre 21e siècle face à la révolution numérique.
L’exposition n’en parle pas du tout, mais il faut savoir que, alors que son invention est considérée comme un événement majeur de la Renaissance, Gutenberg connaît une existence difficile. Associé à Johann Fust et Peter Schoeffer, il perd en octobre 1455 le procès contre son créancier Fust qui saisit l’atelier avec le matériel et les impressions réalisées. Gutenberg n’est sauvé de la misère que grâce à Adolphe II de Nassau qui lui accorde une pension à vie et le titre de gentilhomme de sa cour.
L’exposition dure jusqu’au 16 juillet, ne la manquez pas si vous aimez les livres.
Dommage que l’affiche ne soit pas à la hauteur … mais le dossier de presse est très intéressant.
1 commentaire
Matatoune · 10 mai 2023 à 20 h 13 min
Après avoir vu le musée Gutemberg à Mayence, j’avoue n’être pas trop attirée par cette expo, même si cette chronique donne bien envie