Pendant une quarantaine d’années au début du 20e siècle, la Ville de Paris organisa un “concours de façades” destiné à récompenser les réalisations architecturales originales, sous-entendu, permettant de rompre avec l’uniformité haussmannienne des immeubles parisiens de l’époque.
La liste des lauréats que l’on peut trouver dans l’article de wikipedia est un excellent point de départ pour élaborer des balades le nez en l’air dans la capitale.
Parmi les primées des premières années, deux façades retiennent particulièrement l’attention et ça tombe bien, nos tours de roues nous y ont menés en cet après-midi frisquet et ensoleillé.
La première réalisation est le Castel Béranger, œuvre du célèbre architecte et représentant de l’Art nouveau Hector Guimard. Pour cet immeuble d’habitation situé dans le 16e au 14 de la rue Jean-de-la-Fontaine, Guimard fut inspiré notamment par les innovations esthétiques de Victor Horta à Bruxelles. On retrouve sur sa façade l’exubérance propre à l’Art nouveau en terme de formes, de couleurs, de matériaux.
Heureusement pour la photo, l’hiver a dépouillé les arbres de leurs feuilles, ce qui permet d’avoir une vue d’ensemble de l’immeuble, que certains, au moment de son édification, surnommaient le Castel dérangé. Le peintre Paul Signac, qui y habita, en fait, par contre, une description élogieuse (La Revue blanche du 15 février 1899) :
C’est un très moderne immeuble de rapport à trois corps contenant une quarantaine d’appartements. Sa façade, au lieu d’être l’habituel rectangle, percé d’ouvertures symétriques, est multiple : la brique rouge ou émaillée, la pierre blanche, le grès flammé, la meulière s’y disposent en pans inégaux et en teintes variées sur lesquels grimpent, teintés d’un unique bleu-vert, le fer et la fonte des balcons, des bow-windows, des ancres de chaînage, des tuyaux, des chéneaux, et les boiseries, d’une teinte identique, mais à un ton plus clair. La porte d’entrée en cuivre rouge étincelle.
Tout cela fourmille de détails et les plus surprenants en ce lieu sont peut-être les hippocampes qui escaladent la façade pour atteindre on ne sait quelle hauteur de vue.
Hector Guimard est également connu à Paris pour ses entourages en fonte des entrées du métro dont quelques exemplaires ont été conservés.
La Ville de Paris a même fait don d’un décor complet à la Ville de Montréal pour habiller l’entrée de la station de métro du Square Victoria, carrelage compris.
Revenons à Paris devant la seconde façade située au 29 avenue Rapp dans le 7e arrondissement. Cet immeuble fut construit en 1901 par l’architecte Jules Lavirotte pour le céramiste Alexandre Bigot qui fit de la façade une surface d’exposition de ses produits.
Ici aussi, les ornementations sont surabondantes, les couleurs sont chatoyantes et, conformément à l’inspiration de l’Art nouveau, les motifs végétaux ou animaux sont nombreux.
Jules Lavirotte fut récompensé à deux autres reprises pour les façades de deux de ses réalisations ultérieures. Nous y passerons sûrement un jour !
Avant de nous quitter, juste un petit coup d’œil sur quelques vitrines méritant un petit détour.
J’ai été particulièrement impressionné par les dernières boutiques, accolées au mur de l’église Saint-Roch dans le 1er arrondissement.
Les deux immeubles sont privés, il n’y a pas de visite possible ce qui est dommage car les aménagements intérieurs doivent être tout aussi intéressants. Quant aux vitrines, toutes les boutiques étaient fermées, confinement ou fin d’année oblige, nous n’avons pas pu poursuivre notre exploration des lieux. Quand le resto d’Yvette et Claude rouvrira, nous y ferons une halte.
Pour en savoir plus sur les façades parisiennes, Parigramme a publié une Grammaire des immeubles parisiens.
J’ai lu qu’en 2017 une proposition devait être déposée au Conseil de Paris pour relancer le concours des façades. Je crois qu’on en aurait bien besoin, mais je ne sais pas quelle suite lui a été donnée.
1 commentaire
Matatoune · 11 janvier 2021 à 23 h 05 min
Merci pour ce magnifique article !