Cet article est publié le 25 novembre, jour de la Sainte-Catherine, bien qu’il n’y ait apparemment pas de liens avec le titre. Avant de comprendre, nous allons rendre hommage à Hypatie d’Alexandrie, née entre 355 et 370, une des rares femmes de l’Antiquité dont il reste une trace.
Sa fin tragique et violente à une époque troublée a sans doute contribué à en faire une figure mythique du combat contre l’obscurantisme.
Hypatie grandit parmi les trésors de la grande bibliothèque d’Alexandrie, haut lieu culturel durant l’Antiquité , son père, le mathématicien et astronome Théon d’Alexandrie, était le gardien du musée, la maison des muses.
Dès son plus jeune âge, Hypatie montre un appétit pour les sciences. Elle part étudier la philosophie et les sciences naturelles en Grèce. À son retour, la jeune femme dirige l’école néoplatonicienne d’Alexandrie et donne des cours privés et publics.
La haute société alexandrine l’adore et se presse pour venir l’écouter. Hypatie est aussi réputée pour sa beauté et sa vertu : elle restera libre et indépendante toute sa vie. Avec son père, elle aurait commenté les œuvres de grands mathématiciens comme Euclide et Ptolémée.
Au 5e siècle, la cité d’Alexandrie était le théâtre de vives tensions entre pouvoirs romains, chrétiens et juifs. L’évêque Théophile, connu pour ses méthodes violentes et peu scrupuleuses, attise la haine des chrétiens envers les païens. Après sa mort, son neveu Cyrille se montre encore plus radical et entre en conflit direct avec le préfet Oreste, un ancien élève d’Hypatie que celle-ci conseille toujours. Cyrille voit en elle une personnalité de plus en plus gênante.
En mars 415, alors qu’elle rentre chez elle, des moines (les parabalani) la traînent dans une église où elle aurait été lapidée. Et comme si cela ne suffisait pas, Socrate le scolastique raconte : « Après cela ils hachèrent son corps en pièces et les brûlèrent dans un lieu appelé Cinaron ».
Sa mort sous les coups des chrétiens choque l’Empire et fait d’elle une « martyre de la philosophie » et son meurtre mène les philosophes à adopter des attitudes plus identitaires et moins ouvertes aux chrétiens.
Hypatie reste dans les mémoires comme une femme d’une grande sagesse, brillante, vertueuse et admirée par nombre de ses contemporains. C’est la première mathématicienne dont la vie est bien documentée.
Pendant le siècle des Lumières, elle redevient un symbole de l’opposition au catholicisme et elle est même devenue un symbole pour les anticléricaux comme Voltaire.
Mais voila que pendant le Moyen Âge, le symbole d’Hypatie est récupéré et déformé pour en faire une incarnation des vertus chrétiennes ; elle pourrait être à l’origine de la légende de Catherine d’Alexandrie, vierge et martyre, qui présente de nombreuses similitudes avec l’histoire d’Hypathie, sauf qu’elle aurait été massacrée par de méchants païens.
Malgré tous les efforts des chercheurs, aucun élément tangible ne vient confirmer la réalité historique de cette Catherine, à tel point que l’Église catholique, elle-même, doute de son existence et l’a retirée de son calendrier depuis 50 ans. : “Le peuple chrétien ne peut être invité à une prière officielle que dans la vérité”. Ah bon ?
Il est difficile de déterminer la part de vérité dans ce plagiat. S’il est assez courant qu’une religion récupère des symboles païens pour asseoir son influence plus facilement, la vie d’Hypatie était-elle trop exemplaire pour conserver sa fin défavorable aux chrétiens ?
Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’ai l’impression que question obscurantisme religieux, notre époque est en régression et la fin d’Hypatie est d’une terrible actualité.
Désolé de casser le mythe pour toutes les Catherine, à qui je souhaite cependant une bonne fête. Rassurez-vous, elle reste une sainte très populaire et vénérée même en l’absence de quitus officiel. On la voit souvent en bonne compagnie.
Le texte de cet article est inspiré de l’article de Futura Sciences consacré à Hypatie. Un film, Agora, été réalisé en 2009 par Alejandro Amenabara, avec Michaël Lonsdale et Rachel Weisz, le site en présente la bande-annonce.
Une autre adresse : Hypatie d’Alexandrie, entre légende et réalité
Et une troisième : Hypatie d’Alexandrie (370 – 415)
Pour finir, à signaler qu’un petit bout de rue piétonne, entre le passage Fréquel et le jardin Vitaly, célèbre la mémoire d’Hypatie d’Alexandrie dans les rues du 20e arrondissement de Paris. Hommage bien modeste !
Pour l’image en exergue, j’ai un peu triché, faute de pouvoir vous montrer une image de l’École néoplatonicienne d’Alexandrie où exerçait Hypatie. À la place, voici une photo réalisée dans la Chambre de la signature des appartements de Raphaël au Vatican :
L’œuvre la plus célèbre de Raphaël, l’École d’Athènes. Dans une grandiose architecture de la Renaissance, inspirée du projet de Bramante pour la rénovation de la basilique paléochrétienne de Saint-Pierre, se trouvent les philosophes les plus connus de l’Antiquité ; certains d’entre eux sont facilement reconnaissables : Platon, au centre, indique le ciel d’une main et tient son livre, Timaeus, de l’autre ; à sa gauche, Aristote, avec l’Éthique tend la main droite, parallèle au sol ; Socrate apparaît à la gauche de l’observateur, habillé de vert foncé, en conversation avec Alcibiade ; Pythagore est représenté au premier plan, avec un livre, expliquant la Diatesseron ; Diogène est couché sur l’escalier ; sur la droite Euclide enseigne la géométrie à ses élèves ; Zoroastre tient le globe céleste et Ptolémée le globe terraqué; à l’extrême droite, le personnage au bonnet noir est l’autoportrait de Raphaël.
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