Frans Hals est l’un des plus grands portraitistes du Siècle d’or hollandais (17ème siècle) et, avec Rembrandt, celui qui a révolutionné ce genre. On lui connait plus de 220 tableaux, essentiellement des portraits individuels, mais il est aussi l’un des grands représentants de ce genre pictural si hollandais qu’est le portrait de groupe. Parmi eux, ses portraits de famille, au nombre de quatre, sont tous présentés pour la première fois ensemble dans cette exposition proposée par la Fondation Custodia Frans Hals – Portraits de famille.

Mais laissons la Fondation raconter la genèse de cette exposition. J’y ai rajouté mes propres photos pour illustrer le propos.

Une extraordinaire découverte scientifique est à l’origine de cette exposition. La récente restauration du tableau de Frans Hals jusqu’alors intitulé Trois enfants dans une charrette tirée par un bouc, conservé à Bruxelles, aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, a permis l’élimination de surpeints du XIXème siècle et révélé les fragments d’une jeune fille et de divers vêtements. 

Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait de la famille Van Campen – Enfants de la famille van Campen avec une voiture tirée par un bouc – vers 1623-1625

Ainsi, l’hypothèse que le tableau faisait partie d’une plus vaste composition a pu être confirmée. Deux autres éléments de la toile d’origine sont conservés : le Portrait de la famille Van Campen dans un paysage du Museum of Art (Ohio) et le Portrait de jeune garçon en collection privée.

Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait de la famille Van Campen – La famille van Campen dans un paysage – vers 1623-1625
Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait de la famille Van Campen – Portrait d’un jeune garçon de la famille van Campen – vers 1623-1625

Pour la première fois depuis deux cents ans, les trois parties dispersées de l’ambitieux portrait de famille sont présentées côte à côte.

Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait de la famille Van Campen, vers 1624 – Ces trois tableaux offrent une reconstitution du plus ancien portrait de famille de Frans Hals.

Vers 1910, on ne savait plus qui étaient les modèles peints par Frans Hals. Le tableau de gauche, aujourd’hui à Toledo, était alors connu comme le portrait de la famille de !’artiste hollandais Jan de Braij (vers 1627-1679). La cause de cette erreur est la présence de la signature du peintre Salomon de Bray (1597-1664), le père de Jan, sous une des semelles de la fillette assise au premier plan, à l’extrême gauche. De Bray a en effet ajouté au groupe ce seul bébé, en 1628, comme I’indique la date, car l’enfant n’était pas encore née lorsque Frans Hals mit la dernière main à sa commande.

Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait de la famille Van Campen, vers 1624 – Bébé rajouté en 1628 par Salomon de Bray, car la fillette n’était pas née à la date du portrait originel

Cette réunion des enfants et des parents Van Campen est une occasion unique d’exposer les trois autres portraits de famille connus de la main de Frans Hals : les deux monumentales compositions de la National Gallery de Londres et du Museo Nacional Thyssen-Bornemisza de Madrid, ainsi que le portrait plus intimiste du Cincinnati Art Museum (Ohio). 

Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait de famille dans un paysage – vers 1647-1650 – Huile sur toile – The National Gallery – Dans ce portrait de dimensions imposantes, Frans Hals a représenté une famille qui se détache sur un fond arboré, laissant apercevoir à gauche un paysage panoramique. Le père, placé au centre, est entouré de son épouse assise à sa, gauche —comme I’exigeait la bienséance —, de leurs sept enfants et d’une nourrice qui tient le dernier né dans ses bras. Les vêtements peuvent être datés de la fin des années 1640, à l’exception de celui de la mère, qui porte une fraise démodée en meule de moulin, image de I’élégance dans les années 1620 et 1630.
Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait de famille dans un paysage, vers 1645-1648 – Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid – Comme le tableau de Londres, ce portrait date de la fin des années 1640. Si le groupe représenté y est plus restreint, la composition est plus monumentale encore : les figures sont presque grandeur nature. Les membres de cette famille aisée sont placés en extérieur, devant un paysage réaliste qui dynamise la composition et lui ajoute une certaine splendeur. Ainsi qu’il en avait coutume dans ses portraits de groupe, Hals a vitalisé l’ensemble par les jeux de regards ; ceux échangés ici entre les époux, allant de pair avec leurs mains ostensiblement jointes — geste emblématique de fidélité matrimoniale — attirent immédiatement sur eux |’attention. La force de leur union est soulignée par le dévouement manifeste de leur fille tandis que leur fils, posant avec sa canne dans une attitude désinvolte, regarde le spectateur dans les yeux. Il en est de même de I’enfant noir dont Hals donne un portrait empreint de dignité. L’adolescent est probablement un jeune serviteur, quoique !’on connaisse quelques cas historiques de jeunes gens d’Afrique de l’Ouest venus en Hollande y parfaire leur éducation ou accompagner une délégation commerciale. 
Les remarquables morceaux de peinture que sont les étoffes et les chaussures portées par le père et le fils font immanquablement penser à la technique de Manet, grand admirateur de Frans Hals.
Fondation Custodia – Franz Hals – Portraits de famille – Portrait d’une famille néerlandaise, milieu des années 1630 – Huile sur toile – Cincinnati Art Museum, Bequest of Mary M. Emery, Cincinnati (Ohio) – Frans Hals peint ce portrait d’une famille inconnue au milieu des années 1630, soit une décennie après celui des Van Campen, aujourd’hui morcelé. L’œuvre est de beaucoup plus petites dimensions et plus conforme à l’échelle de la majorité des portraits de groupes familiaux du XVIIème siècle hollandais, conçus pour le cadre domestique de maisons de la classe moyenne supérieure. La famille, installée sur une terrasse s’ouvrant à l’arrière-plan sur un jardin imaginaire, porte des vêtements caractéristiques de l’austérité calviniste. Les deux filles des époux se tiennent la main, dans un tendre geste d’affection. Un arc harmonieux de visages souriants, de cols blancs et de mains éloquentes relie le père à la fillette aux yeux pleins de vivacité et confère au groupe une aura d’unité. Les roses répandues sur le sol évoquent l’amour inébranlable du couple. Aucun dessin préparatoire n’a pu être attribué avec certitude à Frans Hals mais il est prouvé qu’à l’occasion, l’artiste, après avoir appliqué la couche de fond, concevait ses motifs directement sur la toile, avec de la peinture noire, comme on le voit ici chez la femme, là où son cou rencontre sa fraise.

Même si nous sommes largement impressionnés par la qualité et les dimensions des tableaux de Frans Hals, le tour est rapidement accompli. Aussi, la Fondation Custodia nous propose-t-elle une petite rallonge en sortant de ses admirables réserves dessins, gravures et tableaux offrant aux visiteurs un vaste panorama de la production artistique sur le thème de la représentation des enfants en Hollande et dans les Flandres au XVIIe siècle. Cela s’intitule Enfants du Siècle d’Or.

La Fondation ne résiste pas au plaisir de nous en montrer encore plus. On ne va pas se plaindre …

Ces dernières années. de nombreux tableaux de la Fondation Custodia ont été nettoyés et, le cas échéant, restaurés. Leurs cadres ont également fait objet d’une attention toute particulière. Ceci dans le but de mettre pleinement en valeur les peintures. Cette exposition est aussi l’occasion de présenter les fruits de ce travail. 

La restauration du Portrait d’Annetje Jans Grotincx, épouse du peintre Jan van de Cappelle, a révélé qu’il avait été enlaidi par un ancien repeint, dont la suppression a permis de confirmer son attribution à Jan van Noordt, autrefois considérée comme douteuse. Il est accroché à côté de son pendant, le Portrait de Fan van de Cappelle, de la main d’un élève de Rembrandt, Gerbrand van den Eeckhout (un prêt de l’Amsterdam Museum). Si l’on en juge par les roses disposées autour de l’effigie de l’épouse, leur mariage est très probablement à l’origine de la commande. Le Paysage d’hiver de Van de Cappelle a lui aussi grandement profité de son récent nettoyage et resplendit dans son cadre du 17ème siècle. 

Fondation Custodia – Enfants du Siècle d’or – Gerbrand van den Eeckhout – Portrait du peintre Jan van de Capelle – 1653 – Jan van de Capelle – Paysage d’hiver avec des patineurs et des joueurs de “kolf” sur la glace – 1653
Fondation Custodia – Enfants du Siècle d’or – Jan van Noordt – portrait d’Annetje Jans Grotincx, épouse de Jan van de Capelle – vers 1653

Il paraît que ça faisait longtemps que les deux époux n’avaient pas été aussi proches !

Pour finir, la Fondation Custodia présente l’œuvre de la peintre et graphiste néerlandaise Marian Plug (née en 1937). Les salles du sous-sol accueillent ses aquarelles et estampes de ces soixante dernières années, ainsi qu’un choix de vingt-et-une peintures à l’huile récentes.

Bon ! J’avoue, je suis moins fan de son travail que de celui des artistes du Siècle d’Or hollandais.


J’ai fait un compte-rendu un peu longuet, mais les expositions se terminant dimanche prochain 25 août, vous n’aurez peut-être pas le temps de vous rendre à la Fondation Custodia. C’est dommage parce leurs expositions sont toujours très intéressantes. Je vous ai donc tout raconté dans le détail.

Cerise sur le gâteau, la Fondation met en ligne le catalogue des Enfants du Siècle d’Or.


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