Les Grandes Heures d’un gars de la Haute au Moyen Âge tardif ou à la Renaissance, ce n’est pas la Rollex que-si-on-ne-l’a-pas-à-cinquante-ans-on-a-raté-sa-vie mais un grand livre de prières, manuscrit, destiné à un laïc et souvent décoré avec le plus grand soin par des artistes renommés. Un peu comme un missel personnalisé, quoi !

On donne souvent en exemple les Très Riches Heures du duc de Berry magnifiquement illustré et mondialement renommé, notamment pour ses représentations de l’architecture médiévale contenues dans son calendrier. Il est propriété du musée de Chantilly et n’est que très rarement exposé au public. On peut l’admirer en ligne.

La BnF possède un grand nombre de livres d’heures, un des plus beaux est sans doute les Grandes Heures d’Anne de Bretagne, qui a appartenu à la duchesse de Bretagne, deux fois reine de France, morte à 36 ans en 1514. Il s’agit des Grandes Heures par opposition aux Petites voire Très Petites Heures, tout simplement en raison du format du livre. Destinées à être emportées en voyage, les Petites Heures sont un format « de poche », alors que celui-ci est un codex de 238 feuillets mesurant 30 x 19 centimètres.

Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne sont l’œuvre d’un seul enlumineur, Jean Bourdichon, élève du célèbre Jean Fouquet. Petite commémoration personnelle, Jean Bourdichon est mort il y a 500 ans à Tours.

Le livre commence par une représentation des armes d’Anne de Bretagne, qui associent l’Hermine de Bretagne et le Lys de France, suivie par un dyptique montrant Anne en prière en face de la Déploration du Christ.

Grandes Heures d’Anne de Bretagne – © Gallica-BnF – Armes d’Anne de Bretagne

Traditionnellement, un livre d’Heures commence par un calendrier, se poursuit par des extraits des Évangiles et enchaîne toute une série de prières, d’oraison, d’hommages aux saints, etc. Le contenu dépend bien entendu de la religion, voire du courant religieux, de son propriétaire et permet ainsi d’en connaître un peu plus sur sa spiritualité et son engagement religieux.

Commençons par le calendrier où chaque mois est évoqué par les activités humaines de saison et le signe du zodiaque. À chaque jour, son saint ou sa fête religieuse. Ci-dessous, le mois de janvier avec un paysage de froid et de neige.

Grandes Heures d’Anne de Bretagne – © Gallica-BnF – Mois de janvier

Admirez la manière « pointilliste » avec laquelle la neige est représentée.

Grandes Heures d’Anne de Bretagne – © Gallica-BnF – Mois de janvier, détail

Un autre exemple avec mois d’août, ses moissons et le lion zodiacal. Chaque mois tient sur deux pages.

Grandes Heures d’Anne de Bretagne – © Gallica-BnF – Mois d’août, première page.
Grandes Heures d’Anne de Bretagne – © Gallica-BnF – Mois d’août, seconde page

Cette deuxième page de chaque mois du calendrier permet de comprendre ce qui fait l’originalité de cet ouvrage. En effet, ce qui est admirable dans ces Grandes Heures, ce ne sont pas les prières et les extraits des textes sacrés mais le superbe travail d’enluminure de chaque page qui illustre pas moins de 337 plantes, légendées en latin et en français. On y trouve des fleurs, des arbustes, quelques arbres et une grande diversité d’insectes et de petits animaux.

Il y a aussi 49 miniatures de pleine page qui introduisent les nouveau chapitre du livre. Admirons le travail de Jean Bourdichon.

Malgré le détail des planches botaniques, il est souvent difficile de trouver le nom latin ou le nom français de la plante dessinée. Outre l’écriture de l’époque difficile à déchiffrer pour un non-expert, il y a eu des erreurs de transcription. Je peux vous conseiller le Journal de Botanique et particulièrement ses numéros d’octobre, novembre et décembre 1894 dans lesquels un certain Jules Camus s’est livré au travail d’inventaire des 337 plantes.

Toutes ces enluminures sont admirables et font de ce livre de prières un véritable chef-d’œuvre. Pour lire le document en entier, je vous le propose dans le visualiseur de Gallica ci-dessous. Pour un plus grand confort de lecture, cliquez sur n’importe quelle page pour l’ouvrir en pleine page dans un nouvel onglet. Cette numérisation a été effectuée après la restauration de la reliure en 2015, le résultat est magnifique.


Je vous disais au début de l’article qu’il y avait des Petites et même des Très Petites Heures qui se caractérisent par le format du livre. Anne de Bretagne possédait certains de ces formats de codex de taille plus réduite,

La BnF conserve un exemplaire de ses Petites Heures, dont les enluminures ont été réalisées par un artiste dont on ignore l’identité et qui est connu sous son nom de convention, le Maître des Triomphes de Pétrarque. Le codex de 78 feuillets mesure 17 x 12 centimètres.


Encore plus petit, puisqu’il mesure 6,6 x 4,6 centimètres, le manuscrit des Très Petites Heures d’Anne de Bretagne compte en revanche 163 feuillets. Idéal pour partir en voyage avec son livre de prières au fond de la poche. Les enluminures sont attribuées au Maître d’Anne de Bretagne, généralement identifié au peintre Jean d’Ypres.


Pour terminer, je vous conseille une vidéo d’explications sur les Grandes Heures d’Anne de Bretagne réalisée pendant le confinement dans le cadre des rendez-vous La BnF dans mon salon.


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