Pour qui s’intéresse aux cartes et à l’histoire de la cartographie, le fonds de la BnF semble inépuisable. Après l’atlas catalan et l’atlas Miller, je vous présente aujourd’hui l’atlas de portulans attribué au cartographe génois Battista Agnese qui travailla essentiellement pour la République de Venise au 16e siècle.

Atlas de Battista Agnese – © BnF Gallica – Espace représenté : Europe occidentale et septentrionale (en partie) du Skagger-Rak (« lubiech » dernier toponyme) jusqu’à la Provence ; île « Brazil » à l’ouest de l’Irlande ; nord de la péninsule ibérique, jusqu’à « pedernera » au Portugal et « albufera » en Espagne.
Construction de la carte : échelle vide dans l’angle sud-ouest, 10 div. = 1,2 cm ; système de rhumbs de 19 cm de diamètre à seize centres secondaires ; nord en haut.
Nomenclature et iconographie : Dacia (Danemark), Scotia, Anglia, Hibernia, Magna germania, Brabant, Fiandria, Picardia, Normandia, Britania, Fransa, Savoie, Dalphinaius, Provensa, Languedoc, Guascogna, Mare Galicum (Golfe du Lion), Biscaia, Navarra, Hispania pars ; une rose des vents à 32 pointes sur le centre secondaire est.

Les portulans se distinguent par des conventions cartographiques typiques : l’accent est mis sur le tracé des côtes et le positionnement des ports dont les toponymes sont disposés à la perpendiculaire du littoral pour une lecture facilitée. Les mers sont sillonnées de lignes géométriques, les lignes de rhumbs, indiquant la direction des points cardinaux et permettant aux marins, à l’aide du compas de mer, de s’orienter et de fixer un cap.

Certaines cartes de cet atlas présentent la particularité d’avoir une échelle des latitudes. Sur la carte ci-dessous, celle-ci est bien visible au centre de la carte. Il y a aussi une graduation horizontale sur l’équateur, prémices d’une future échelle des longitudes. Alors que la latitude (nord sud) est déterminée depuis longtemps grâce à la mesure de la hauteur du soleil et des étoiles, la connaissance de la longitude (est ouest) est demeurée longtemps une grande difficulté et a compliqué le développement de la navigation hauturière. Tonton Cristobal, qui se croyait en Inde alors qu’il n’était qu’aux Antilles, en a fait les frais en 1492.

Atlas de Battista Agnese – © BnF Gallica – Espace représenté : côtes américaines sur l’Atlantique depuis « terra che d.scobrio fernan comes » jusqu’au « rio dolce » puis au sud autour du Détroit de Magellan ; Antilles (île de « iucatan ») ; côtes américaines sur le Pacifique depuis le « rio sernado » jusqu’à « prountaia de siera » ; îles du Pacifique, en particulier les Moluques.
Construction de la carte : « Aequinoctialis », « Tropicus cancri », « Tropicus Capricorni » ; échelle des milles dans l’angle nord-est avec légende « mia 100 da punto a punto », 10 div. = 2 cm ; échelle des latitudes de 60° nord à 60° sud, 10° = 1,5 cm ; échelle graduée sur l’Equateur d’est en ouest 50-90 puis 10-90 puis 10 ; système de rhumbs centré sur le Pacifique de 19,2 cm de diamètre à seize centres secondaires ; nord en haut. 
Nomenclature et iconographie : La Provintia de Peru ; el streto de ferdinando de maglanes ; Insule Maluche ; liseré littoral bleu ; îles en teintes plates ou dorées, sauf Cuba ; une rose des vents à 32 pointes sur le centre principal de rhumbs

L’atlas de Battista Agnese possédé par la BnF est composé de 9 cartes détaillées de diverses parties du monde connu, d’une mappemonde et de plusieurs pages de décorations ou informations diverses, à destination du futur propriétaire de l’ouvrage.

Battista Agnese aimait à incorporer dans ses cartes des découvertes géographiques récentes. Ainsi, il inclut dans sa carte du monde ci-dessous les routes du voyage de Ferdinand Magellan, et la route vers le Pérou via l’Isthme de Panama, où une importante quantité d’or a été trouvé par les Espagnols.

Atlas de Battista Agnese – © BnF Gallica – Espace représenté : Mappemonde en forme d’ellipse.
Construction de la carte : équateur, tropiques, cercle arctique et son symétrique ; quadrillage de latitudes et longitudes

Nomenclature et iconographie : terres en vert, fleuves en bleu, montagnes en gris (or pour le Pérou), Mer Rouge en rouge ; tracés d’itinéraires de navigation (el viazo perandar ale maluche – el tornar de le maluche – el viazo de fransa – el viazo de peru) ; 12 figures de vents avec leurs nomenclatures.
Atlas de Battista Agnese – © BnF Gallica – page de calendrier

Place au document complet avec le lecteur de Gallica. Vous pouvez le parcourir ci-dessous en utilisant les flèches sur le côté. En cliquant sur l’image elle-même, vous ouvrez le lecteur dans un nouvel onglet.


Il existe plusieurs exemplaires de ces atlas de Battista Agnese, numérisés dans diverses bibliothèques. Ils contiennent à quelques variantes près les mêmes cartes dans des versions sans doute différentes, cependant, ils se distinguent les uns des autres par les décorations, comme cette carte de l’Europe occidentale joliment encadrée, de la John Carter Brown Library.

Map of Europe, including the British Isles, northern Italy, to eastern Russia – original in John Carter Brown Library

La Biblioteca Digital Hispanica met également en ligne une version, sans doute celle qui avait été offerte à Charles Quint. Pour la consulter, cliquez sur l’image ci-dessous.

La numérisation page par page diminue l’intérêt de lecture des cartes, à la différence de Gallica qui propose des doubles pages pour chacune d’entre elles. Par contre, l’exemplaire de la BDH propose deux mappemondes en projection azimutale polaire à la fin du document. On reviendra sur ce système de projection dans un prochain article.

J’ai fait un petit montage rapide des deux pages de la projection azimutale nord.

Atlas de Battista Agnese – © Biblioteca Digital Hispanica – Projection azimutale nord

Alors, bien plus beau et fort que Gogol Maps, non ?


1 commentaire

Adam · 7 mai 2023 à 17 h 01 min

C’est un texte très intéressant. Bien à vous.

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