Le Petit Palais nous propose de partir à la rencontre de deux artistes originaires de Naples avec des expositions consacrées l’une à Luca Giordano, peintre du XVIIe, et l’autre à Vincenzo Gemito, sculpteur du XIXe. Comme d’habitude au Petit Palais – je me répète peut-être – la scénographie et la qualité des œuvres présentées sont sans reproche. Les deux expositions ont été organisées avec le concours du Musée de Capodimonte et comme le Petit Palais possède peu (voire pas du tout) d’œuvres de ces deux artistes, j’imagine le travail colossal qu’elles ont nécessité pour déménager tous les tableaux monumentaux et toutes les sculptures présentées jusqu’à Paris.


Luca Giordano (1634 – 1705), le triomphe de la peinture napolitaine

C’est la première rétrospective consacrée à Luca Giordano en France, peintre baroque et prolifique de l’école napolitaine du XVIIe siècle. Après avoir démontré très tôt un grand talent de peintre, et après des stages en immersion à Rome, Parme, Venise, etc. où il se plaît à copier et pasticher les grands maîtres,  il se voit confier à son retour à Naples la réalisation de grandes fresques d’inspiration religieuse pour diverses églises. À cette époque de la contre-réforme, il faut montrer la magnificence de l’église catholique et Luca s’y met à fond. 

Cependant, certains ordres monastiques à Naples prônent une religion plus proche des souffrances et des privations du peuple et, en opposition aux cadres lumineux et spectaculaires des fresques baroques « officielles », encouragent des représentations plus sombres de la condition humaine. Des peintres comme Jusepe de Ribera et Mattia Preti développeront cette sensibilité purement napolitaine et, après eux, Luca Giordano reprendra le flambeau dans un style qui s’inspire du Caravage.

Une petite salle permet de comparer trois représentations de saint Sébastien, peintes par Ribera, Preti et Giordano.  

La rigueur morale introduite par la contre-réforme (il était temps LOL) conduit à représenter les philosophes antiques comme des gens simples et à « héroïser » leur mort.

Toute bonne exposition se doit d’avoir son petit cabinet de dessin.

Plus tard, il s’éloigne du ténébrisme de ses débuts et introduit à Naples le style baroque dont il a ramené de Rome les nouvelles techniques. Toujours très demandé par la riche société européenne, il fait des séjours à Venise, Florence et à Madrid à la cour du roi d’Espagne où il restera une dizaine d’années, avant de revenir terminer sa vie à Naples.


Vincenzo Gemito (1852 – 1929), le sculpteur de l’âme napolitaine

Deux siècles plus tard, le petit Vincenzo Gemito, qui a démarré sa vie assez difficilement dans les rues de Naples, manifeste très tôt (lui aussi) de grandes dispositions pour le dessin et la sculpture. À seize ans, il réalise son fameux Joueur de cartes, qui est présenté ici – hélas, je trouve que  l’éclairage ne le met pas vraiment en valeur, notamment le visage du gamin reste dans l’ombre et la statue est un peu trop en hauteur pour qu’on puisse apprécier l’attitude toute naturelle du modèle.

C’est le début d’une brillante carrière de sculpteur, usant aussi bien de la terre cuite qui restera son matériau préféré que du bronze et représentant tout autant les gamins des rues que les personnalités en vue ou ses amis. Le rendu des expressions des visages est tout simplement fabuleux.

À la fin des années 1870, il passera trois années à Paris où il présentera notamment sa sculpture peut-être la plus célèbre, Le Petit Pêcheur, ou Le Pêcheur napolitain, qui fera scandale au salon de 1877 auprès des critiques mais obtiendra un grand succès public. Il est intéressant de la comparer aux autres statues de pêcheurs napolitains (c’était la mode au 19e) réalisées par François Rude et Jean-François Carpeaux, installées à l’entrée de l’exposition. Ces dernières sont de facture beaucoup plus classique, le modèle est nu comme à l’antique même s’il porte le bonnet du pêcheur ! Personnellement, je suis beaucoup plus touché par le pêcheur de Gemito, tout en reconnaissant la qualité, sans doute plus formelle, des autres œuvres.

Il commence à sombrer petit à petit dans la folie peu après son retour à Naples et la mort prématurée de sa muse, modèle et compagne Mathilde Duffaud. Conscient de son état, il vit de plus en plus en reclus chez lui, tout en étant toujours reconnu en Italie comme un immense artiste. Il continue à travailler et à beaucoup dessiner : c’est un dessinateur hors-pair qui a fait preuve de beaucoup de modernité, par exemple dans les nombreux portraits qu’il a réalisés.

Pendant les dernières années de sa vie, il se confronte aussi aux œuvres antiques du musée national qu’il cherche à copier et même à « améliorer ». Ce qui nous vaut encore quelques chefs-d’œuvre ! 


Les deux expositions durent jusqu’à fin janvier, profitez comme nous des remous sociaux en cours pour vous y rendre à vélo et bénéficier d’une faible affluence ! 

Affiche de l’exposition Vincenzo Gemito

Deux petites vidéos de présentation par le directeur du Petit Palais :



1 commentaire

#Un portrait par jour-2 - DESSIN OU PEINTURE · 30 décembre 2019 à 19 h 01 min

[…] ce deuxième dessin, j’ai utilisé comme modèle une photo prise lors de l’exposition de Vincenzo Gemito au Petit-Palais et en faire un croquis rapide à l’encre et […]

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